Nouvelle Lune (partie 80)
En rentrant au hameau, Kelly échangea une longue étreinte avec Alex et Mireille, folle d'inquiétude, fut interrompue dans ces retrouvailles par l'arrivée de quelqu'un derrière sa pupille...
Kelly prit une grande inspiration avant de se retourner. Le moment était venu, et elle le savait. La place n'était plus aux doutes. Elle devait tout donner, et maintenant.
Liam était placé devant ses parents, presque comme pour les protéger. Il portait la tête haute, fier, provocateur. Son attitude semblait mettre quiconque au défi de dire quelque chose de déplacé sur ses protégés.
Derrière lui, main dans la main, Laurie-Anne et Thomas avaient tous les deux un visage apeuré. Ils détaillaient tous les deux les gens réunis avec appréhension, presque comme s'ils redoutaient la possibilité que l'un d'eux ne vienne les prendre à la gorge pour leur faire regretter d'avoir remis les pieds à Thiercelieux.
Il fallut un grand effort à Kelly pour faire un premier pas en direction de ses parents. Elle redoutait la réaction des membres du hameau et, face à eux, sa confiance sur le fait qu'elle suffisait à les protéger s'effrita. Elle doutait que sa parole pèse assez. Mais elle n'avait plus le choix. Aucune marche arrière n'était permise, à présent. Elle se posta donc près de Liam, tentant d'aborder le même air confiant que lui. Son coeur battait la chamade et, plus que jamais, elle se sentait petite et insignifiante. Comment allait-elle pouvoir convaincre tous ces gens que ses parents méritaient de revenir vivre au hameau ? Elle dévisagea l'assemblée avec tout le courage qu'elle était en mesure de trouver en elle et, dans le silence absolu qui témoignait du choc qui habitait la petite foule, elle prit la parole.
— C'était là que j'étais. Avec eux.
Elle tourna la tête et regarda tour à tour sa mère et son père dans les yeux, retrouvant sa propre frayeur dans leurs visages. Or, elle, elle ne devait pas le montrer. Elle leur tendit la main en improvisant le plus beau sourire dont elle était capable.
Pendant un long moment, aucun d'entre eux ne bougea. Et puis sa mère fit le premier pas. Elle parcourut avec une lenteur qui témoignait de sa peur les quelques pas les séparant pour saisir sa main. Son père attrapa sa deuxième main quelques secondes plus tard. Et seulement une fois cela fait, la fillette remit son regard sur tous les gens qui l'entouraient.
— Avec mes parents, compléta-t-elle.
Sentir les paumes de ses deux géniteurs dans chacune de ses mains apaisa Kelly. Avec eux, elle se sentait plus confiante. Cela lui rappelait comme rien d'autre n'aurait pu le faire pourquoi elle faisait cela. Pour quelles personnes extraordinaires elle levait le voile des non-dits.
Ils ne méritaient pas la vie qu'ils avaient menée jusque là.
Autour d'eux, les gens continuaient à s'agglutiner. Tous ceux qui avaient été à sa recherche venaient constater son retour. Toujours plus de gens, plus d'avis à gérer pour elle. Serait-elle capable de supporter toute cette pression ?
— Qu'est-ce qu'ils font ici ?
Cette question résonna comme un coup de fouet dans l'air. Le silence qui avait fait office de maître jusqu'à maintenant se brisa, et avec lui la confiance croissante de Kelly. Évidemment que tout ne serait pas aussi facile. Même si elles n'étaient pas agressives, ces paroles étaient tout de même lourdes de désapprobation.
— Ils n'auraient jamais dû revenir. Ce sont des sorciers.
Kelly posa ses yeux sur l'homme qui avait pris la parole. Son regard était sévère, son attitude, hostile. Dans l'assemblée, certaines personnes commencèrent à l'appuyer. Ils ne voulaient pas de Laurie-Anne et Thomas ici. Les choses dérapaient.
La fillette passa avec affolement son regard sur la foule, tentant de trouver des gens pour l'appuyer. Mireille contemplait les parents de sa pupille avec des yeux incrédules, comme incapable de se remettre de son étonnement et Alex la dévisageait avec une surprise sincère peinte sur son visage. Tous les autres soit huaient les nouveaux venus, soit restaient muets sans oser agir.
— Allons, allons, du calme.
Une voix frêle fit taire un à un tous ceux présents. Kelly ne parvenait pas à voir à qui appartenait cette voix, son propriétaire étant caché derrière de nombreuses personnes. Mais elle se sentit immédiatement redevable envers elle.
Jusqu'à ce qu'elle aperçoive de qui il s'agissait.
Lorsque les rangs s'écartèrent pour laisser passer le prêtre du hameau, Kelly se sentit pâlir. Cet homme l'avait toujours intimidée et il s'agissait de celui qui avait principalement rendu la vie de ses parents difficile. Celui qui leur avait collé le titre de sorcière au front. Et maintenant, elle allait devoir riposter contre lui. Peut-être n'était-il pas celui qui avait le plus de répondant ni qui se montrait le plus agressif, mais il serait sans doute celui qui serait le plus difficile à convaincre. Et celui qui avait le plus d'influence.
Dès qu'il fut en mesure de les voir, il dévisagea Laurie-Anne et Thomas avec un calme inébranlable. Il les fixa tour à tour dans les yeux. Puis, son air s'assombrit.
— Vous n'auriez jamais dû revenir à Thiercelieux, sorciers, fit-il. Avez-vous donc oublié ce que vous avez fait ? Ou alors avez-vous fait des choses encore pires qui vous font croire que ce que vous avez commis ici mérite d'être pardonné ?
À côté de Kelly, Laurie-Anne baissa la tête et Kelly leva la sienne dans sa direction. Les yeux de la fillette étaient emplis de larmes et une colère aveuglante enfla dans sa poitrine. Elle avait vu à quel point ses deux parents étaient emplis de remords, alors même que ce n'était pas de leur faute. Comment cet homme, même s'il était prétendument un homme de Dieu, pouvait-il se permettre de leur reprocher cela ?
Le prêtre laissa planer sa question. Et alors que seul le silence lui répondait, il tourna ses épaules comme pour s'apprêter à rebrousser chemin et conclut :
— C'est bien ce que je pensais. Partez avant que Dieu ne se mette en colère. Vos péchés ne sont toujours pas pardonnés.
Puis, il tourna les talons et se mit en marche.
Et Kelly craqua.
— Comment osez-vous ! hurla-t-elle, la chaleur lui montant aux joues. Vous êtes un sale sans-cœur et vous ne savez rien de qui sont mes parents ! Ils n'ont jamais tué, ni voulu tuer qui que ce soit ! Et s'ils ont dû vivre une vie de misère, c'est à cause des gens comme vous ! C'est à cause de gens comme vous que je n'ai rien pu savoir sur mes parents avant aujourd'hui ! Ce sont des gens extraordinaires et s'il y a un seul sorcier ici, c'est vous !
Elle haleta un moment, les poings serrés et la mâchoire contractée. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle venait de dire ça à l'une des personnes qu'elle redoutait le plus au hameau, mais d'un autre côté, c'était terriblement libérateur. Elle ne regrettait pas du tout ses paroles.
Le prêtre s'était interrompu dans sa marche dès les premières paroles de Kelly et ne se retourna que lorsqu'elle eut terminé son élan haineux.
— Je te demande pardon ?
Le regard qu'il posait sur elle était sévère et, pour une fois, Kelly resta forte devant lui. Elle pensait réellement tout ce qu'elle avait dit et elle regardait avec un air de défi l'homme d'une centaine d'années en se promettant de ne pas baisser les yeux. Il était temps que quelqu'un lui fasse remarquer qu'il n'avait pas tous les droits. Et si ça devait être elle, il en serait ainsi.
— Vous n'avez pas le droit d'insulter mes parents comme ça ! répondit-elle, les dents serrées. Vous savez pourquoi ? Parce que vous ne savez rien de ce qui leur est arrivé ! Vous ne savez rien de leur histoire, je suis sûre que vous ne leur avez jamais parlé en vrai ! Mes parents, ils voulaient juste avoir une belle vie et vous l'avez gâchée ! Ce n'est pas eux qui ont tué votre ancien maire, il serait mort de toute façon ! Et si mes parents n'avaient pas été là, il aurait souffert encore plus longtemps ! Je pense qu'il serait temps que les vieux comme vous laissent la place aux plus jeunes ! Les choses ont évolué et on n'est plus à votre époque ! Vous êtes idiot de ne pas faire confiance aux gens qui ont plus d'études que vous et qui en savent plus sur la vie ! Je vous déteste !
Et puis, elle se mit à sangloter. Elle avait tout dit. Elle avait vidé son sac. Et maintenant, elle ne se sentait plus apte à faire face à la vie. La vérité, c'était qu'en prononçant ces paroles, elle avait compris que c'était tout ce qu'elle pouvait faire. Si avec ça les gens du hameau n'acceptaient pas de laisser vivre ses parents avec elle à Thiercelieux, il n'y aurait plus rien à faire. Elle venait de jouer sa seule et dernière carte. Et elle avait toujours, malgré tout, la sensation que ça n'avait pas été assez. Jamais ses parents ne pourraient vivre à Thiercelieux. Elle ne pouvait rien faire pour eux, au fond. Une enfant de son âge ne pourrait jamais rien faire pour quiconque.
La fillette se retourna et se mit à gémir dans les jupes de sa mère. Ses larmes se mirent à mouiller le tissu et elle agrippa sa taille. Elle aurait tant aimé pouvoir faire plus pour eux. Elle aurait voulu que le monde entier les voit comme elle les voyait. Ces personnes méritaient tant, pourquoi ne pouvaient-ils pas recevoir tout l'amour qu'ils méritaient ?
Sa mère se mit à passer sa main dans son dos, réconfortante. Mais quelque chose dans ses caresses laissait croire qu'elle n'avait plus aucun espoir, elle non plus. Sa main était molle dans son dos et elle respirait profondément, comme pour empêcher les larmes de monter.
Tout ceci avait été une erreur. Elle n'aurait jamais dû demander à ses parents de revenir au hameau. Tout ce qu'elle avait fait avec cela avait été de leur prouver que les gens de Thiercelieux ne les avaient toujours pas pardonnés.
Et maintenant, que devait-elle faire ? Elle pouvait aller habiter avec ses parents dans la cabane de fortune où ils vivaient depuis des années, certes. Mais cela reviendrait à abandonner Alex et Mireille. Peut-être n'avait-elle aucun lien par le sang avec eux, mais ils avaient toujours été sa famille. Ils étaient la famille qu'elle avait choisie. Ils étaient les gens qui l'avaient soutenue, qui l'avaient relevée alors qu'elle tombait. Et après l'accueil qu'Alex lui avait réservée, elle ne pouvait pas se permettre de s'en aller. Cela aurait été terriblement égoïste de sa part. On avait besoin d'elle au hameau. Mais ses parents avaient aussi besoin d'elle. Comment pouvait-elle choisir entre les deux ?
Autour d'elle, le monde était tissé d'un silence épais, comme si lui-même retenait son souffle après qu'elle ait balancé ces paroles au visage de leur prêtre. Mais c'était sincèrement la dernière chose qui la préoccupait. La petite Kelly qui se souciait de bien faire n'était plus. Elle ne pouvait plus être après ce que la vie lui avait réservée les deux derniers mois. Et puis, ce vieillard méritait tout ce qu'elle avait dit.
— Le Seigneur punit gravement les insolents, petite, prononça gravement l'homme.
— Eh bien qu'il vous punisse ! fit-elle au travers de ses larmes. C'est vous l'insolent qui refusez que des gens bien aient une belle vie ! C'est vous la seule personne que le Seigneur devrait punir !
Des exclamations surprises résonnèrent autour d'eux. Visiblement, personne avant elle n'avait répondu ainsi au prêtre.
— Tes parents ne sont pas des gens bien. Ils ont utilisé la magie noire, ont pactisé avec le diable. Ils vont à l'encontre de la volonté de Dieu. Si les gens malades ne peuvent être guéris avec les ressources qu'Il met à notre disposition, c'est qu'ils n'ont pas à être guéris.
— Alors pourquoi leur en voulez-vous de ne pas avoir réussi à guérir votre ancien maire ? Il n'avait pas à être guéri, après tout !
Bam.
Sa réplique fit l'effet d'une claque au visage de l'homme de Dieu. Il ouvrit grand la bouche, fronça les sourcils, et répliqua.
— Ce n'est pas pour cette raison qu'ils ont été chassés. Ils ont été chassés pour avoir tué volontairement un homme avec des produits que le Seigneur n'approuvait pas.
— Alors c'est pour ça ?
Kelly, le visage collant de larmes, se détacha de sa mère et avança de quelques pas en direction de son opposant. Une rage l'habitait, une rage qu'elle contactait pour la toute première fois et qui la faisait se sentir horriblement vivante.
— Ils ont été chassés pour avoir tué un homme qui allait mourir de toute façon quelques heures plus tard ? Est-ce que vous vous rendez compte à quel point c'est ridicule ? Dieu a donné la médecine moderne au monde comme il lui a donné celle d'avant. Si Dieu n'avait pas voulu qu'il y ait de médecine moderne, il n'y en aurait jamais eu ! Allez à la grande ville, mon Père ! Allez de là où viennent mes parents ! Ils ont guéri de gens de Thiercelieux qui seraient morts sans eux ! Dieu les a envoyés au hameau parce que ces gens qu'ils ont sauvés n'avaient pas à mourir pour le moment ! Ils sont une bénédiction, demandez à Liam !
Tous les regards bifurquèrent vers le fils de Sylvie alors que celui de Kelly restait obstinément planté dans celui du prêtre. Elle voulait qu'il voit toute la rage qui l'habitait. Elle voulait qu'il voit à quel point elle le détestait. Voulait qu'il voit à quel point son entêtement était idiot. Or, lorsqu'il détourna les yeux d'elle, elle fut bien obligée de suivre l'attention générale. Et alors, ce qu'elle vit fit gonfler quelque chose en elle.
Liam la regardait avec un regard neuf. Sa bouche était entrouverte et, malgré l'attention générale sur lui, il ne cessait de la dévisager. Il la regardait comme un adulte l'aurait mérité. Il la regardait avec... de l'admiration.
La fillette se sentit remplie. Et tout d'un coup, elle retrouva foi en ses chances. Elle retrouva l'espoir de voir ses parents admis au hameau. Parce qu'au fond... peut-être avait-elle réellement bien joué ses cartes. C'était du moins ce que lui laissait croire la manière avec laquelle Liam la regardait.
L'homme cligna des yeux à répétition, referma la bouche et jeta à Kelly un sourire en coin qui semblait la féliciter de ce qu'elle avait dit. Il retourna son regard en direction de l'assemblée et sembla chercher à attraper le regard de toutes les personnes présentes.
— Kelly a tout dit, fit-il en arrêtant un regard lourd de sens sur le prêtre. Thomas et Laurie-Anne m'ont guéri quand j'allais mourir. Ils ont réussi à me relever quand je n'allais pas bien. Sans vouloir cracher sur le travail de Solange, ses soins ne faisaient pas l'affaire. Elle n'aurait pas réussi à me guérir, et vous le savez tous. Vous saviez tous, quand Laurent était mourant, que c'était Laurie-Anne et Thomas qui étaient les plus susceptibles de le guérir. Vous ne vouliez juste pas l'avouer par peur de ce que notre cher Père pourrait dire de cela. Je suis certain que même Laurent le savait. Nous avons eu l'immense honneur que des gens qui ont étudié en médecine à la ville viennent s'établir chez nous, à Thiercelieux. Et nous, qu'avons-nous fait ? Nous avons craché sur cette offre en or. Mais, mes chers confrères, nous sommes les premiers à pouvoir dire que la maladie peut frapper partout, y compris — surtout — dans notre hameau. La situation qu'on vient de traverser nous a bien montré ça. Et je suis convaincu que d'avoir Thomas et Laurie-Anne avec nous ne peut être que bénéfique. D'autant qu'à présent, Solange n'est plus là pour nous. Il serait dommage de risquer de perdre d'autres gens de notre communauté à cause de la maladie, surtout après l'événement du mois passé. Vous ne pensez pas ?
Kelly frissonna et se mit à observer, fiévreuse, les habitants de Thiercelieux. L'espoir l'habitait, immense. Après ce que Liam venait de dire, l'espérance de voir les gens de Thiercelieux accepter que ses parents reviennent habiter le hameau était plus grand que jamais. Elle jubilait presque, sentait l'incrédulité enfler en elle. Ça allait marcher. Ça allait vraiment marcher.
— Ce sont des sorciers, Liam, fit le prêtre. Ils ne pourront jamais être acceptés à Thiercelieux.
Son ton était plus sec qu'à l'habitude, comme s'il se lassait de ce moment. Ou peut-être était-ce seulement parce qu'il était agacé que son point de vue soit contredit.
— Non.
Kelly se retourna, incrédule, vers Mireille. La femme affichait un air assuré et ses sourcils étaient froncés dans un entêtement qu'elle employait très rarement. Elle marcha jusqu'à sa petite-fille, se plaça derrière elle et posa ses mains sur ses épaules. En relevant la tête vers elle, la fillette la vit contempler la petite foule avec le même air de défi que Liam quelques minutes plus tôt.
— Je suis désolée de devoir vous contredire, mon Père, mais j'ai élevée cette fille merveilleuse. Vous en conviendrez avec moi que si ses parents avaient réellement été des sorciers, elle aurait un tant soit peu suivi leurs traces. Si elle était vraiment venue de personnes mauvaises, elle aurait tenu à vouloir suivre leur chemin, ne serait-ce que par la génétique. Non, je crois plutôt que c'est le Seigneur lui-même qui a donné ce don à Laurie-Anne et Thomas. Et pour les avoir côtoyés il y a de cela plusieurs années, je peux dire qu'ils sont tout sauf maléfiques ou cruels. Il serait temps de revoir nos vieilles mentalités et d'ouvrir la porte à l'avenir. Et je crois que ce que nous réserve l'avenir... c'est la médecine que ces gens ont à nous proposer.
Le silence sembla approuver ses dires. Personne n'avait rien à répliquer, c'était palpable. Tout avait été dit.
— Je suis d'accord.
Cette affirmation semblait porter l'opinion publique. Dans l'assemblée, une à une, les têtes commencèrent à acquiescer.
— Je pense qu'on ne perd rien à essayer la médecine de ces gens, poursuivit le même homme. Pour ma part, je préfère les avoir pour me guérir plutôt que de n'avoir aucune option parce que nous n'avons plus Solange.
Cette fois, les gens se mirent à approuver à voix haute. Kelly n'arrivait pas à croire ce qui était en train de se passer et elle contemplait ce qui arrivait devant ses yeux avec une émotion sans cesse renouvelée.
Ils allaient gagner.
— Vous vous laissez avoir, tenta encore l'homme de Dieu. Ne succombez pas à la tentation, mes enfants !
— Non, je crois que Mireille a raison. Il est temps de voir ce que le futur a à nous apporter et cesser d'en avoir peur.
Le prêtre secoua la tête avec un abattement sincère dans son regard. Il contempla longuement l'assemblée, la mine basse. Tout espoir de les faire changer d'avis semblait l'avoir quitté.
— Que Dieu vous protège, mes enfants. Priez pour avoir sa protection. Vous en aurez besoin.
Sur ces mots, sans cesser de remuer la tête de gauche à droite, il fendit la foule sans un regard en arrière. Il semblait être encore plus voûté qu'à l'habitude, comme s'il avait à porter tout le poids du monde sur ses épaules. Son départ se fit toutefois dans la dignité.
C'est ce moment que choisit Mireille pour lâcher les épaules de Kelly. La fillette se retourna et elle tomba sur sa tutrice qui dévisageait tour à tour sa mère et son père. Ses yeux étaient emplis de larmes et elle ne cessait de déglutir, comme pour tenter de les retenir. On pouvait lire dans son regard tout l'amour qu'elle avait pour les parents de sa pupille et son soulagement de les voir si bien accueillis. Comme si, pendant toutes ces années, elle avait tût leur existence malgré elle.
— Bienvenue, Laurie-Anne et Thomas, prononça-t-elle d'une voix vacillante. Bienvenue, mes amis. Bienvenue chez vous.
Dans l'assemblée, le silence s'était fait. Les paroles de Mireille sonnaient comme une conclusion, un accueil. Personne ne trouva rien à redire et, si quelques-uns semblaient douter de l'intérêt de la décision qui venait de se prendre, la plupart démontraient une véritable bienveillance.
Kelly sentit sa gorge se nouer violemment. Dans sanglots montèrent en elle, accompagnés de quelque chose d'indescriptible. Elle avait l'impression d'enfin pouvoir reprendre son souffle, d'enfin pouvoir dormir l'esprit tranquille la nuit. Elle avait l'impression que sa mission de vie venait de s'achever. Un soulagement immense l'emplissait. Bientôt, les larmes coulèrent sur ses joues. Elle ne parvenait pas à croire qu'ils y étaient réellement parvenus. Ses yeux fixés sur l'assemblée étaient incapable de s'en dissocier et une bouffée d'amour immense la submergea. Elle aurait voulu saluer chaque personne présente en ce moment qui resterait gravé dans son cœur comme le plus important de toute sa vie pour les remercier, les enlacer et leur dire à quel point elle était chanceuse d'avoir des gens comme eux dans sa vie.
Lorsqu'une main vint se placer sur son épaule, elle se retourna, la vue brouillée par des larmes de joie. La fillette essuya ses yeux, un large sourire tentant de se former sur son visage malgré ses pleurs. Ses parents esquissaient tous les deux un sourire tordu par l'émotion et, en la voyant se retourner, sanglotant, sa mère tenta un rire qui eut pour effet de faire couler les larmes qu'elle tentait tant bien que mal d'emprisonner.
— Oh, ma belle Kelly...
Elle ouvrit les bras et sa fille s'y jeta, emprisonnant en même temps son père dans leur étreinte. Ils se retrouvèrent ainsi, tous les trois, à sangloter l'un contre l'autre, tentant de réaliser la faveur qui leur avait été accordée. Qu'à l'avenir, ils pourraient vivre ensemble. Ici, à Thiercelieux, en compagnie du meilleur ami de Kelly et de celle qui l'avait élevée. Qu'ils pourraient enfin réparer les fausses idées qu'on avait des deux adultes.
Ils restèrent longtemps ainsi, à puiser en chacun la force de prendre conscience de ce nouveau tournant que prenait leurs vies sans réellement entendre les mouvements des gens qui commençaient à quitter l'endroit autour d'eux. À réaliser que ce qu'ils attendaient depuis si longtemps s'offrait enfin à eux. Qu'ils pourraient faire de leurs rêves une réalité.
Kelly releva la tête, emplie d'une reconnaissance immense. Elle fixa les yeux de ses parents, tour à tour, en peinant à réaliser que c'était bel et bien eux, qu'elle ne se trouvait pas dans un rêve. Le sourire qu'ils échangèrent en disait long, et Laurie-Anne brisa le silence en disant :
— Je vous aime, mes amours.
— Je vous aime aussi, fit presque aussitôt Kelly. Plus que la terre entière.
Ses parents sourirent de plus belle et la fillette sentit quelque chose de chaud dans sa poitrine. Un calme immense s'installa en elle et tout ce qu'elle put faire pour l'extérioriser fut d'expirer profondément. Elle se sentait si bien, ainsi, entourée des deux êtres qui avaient tellement manqué à sa vie jusqu'à maintenant. Elle aurait voulu que ce moment ne s'achève jamais. L'avenir lui faisait moins peur, à présent. Elle le considérait pour la première fois avec une curiosité qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant.
Et il n'y avait qu'une seule explication à cela.
Elle connaissait enfin ses origines.
Je crois que je peux enfin vous le dire. De toute façon, vous l'avez souvent senti dans la lecture de cette partie. C'était la dernière partie de Nouvelle Lune. Il ne reste plus que l'épilogue.
L'écriture et la relecture de cette partie a été incroyablement riche en émotions. Je n'ai jamais été aussi fière de ma petite Kelly que dans cette partie. Cette partie où elle ose enfin dépasser ses limites pour cette cause qui lui tient tant à cœur. À chaque réplique qu'elle faisait contre le prêtre, j'étais en mode TIENS, BIEN FAIT POUR TOI ESPÈCE DE VIEUX-JEU ! Alors que c'est moi qui a créé ce personnage, plus rien n'allait ! Et j'ai ressenti ça autant dans l’écriture que dans la relecture. J'adore les répliques qu'elle lui a flanquées d'amour !
Ce qui s'est rajouté à la relecture, c'est les larmes. Les larmes de savoir que cette partie était la dernière qui portait le nom de partie. Les larmes de savoir que vous alliez enfin pouvoir avoir accès à la résolution de l'histoire de Kelly. Tout au long de la relecture de cette partie, j'ai eu des hauts et des bas. Je suis tellement émue de vous partager ça, si vous saviez ! Ça va bientôt faire deux ans. Deux ans que vous suivez cette histoire, semaine après semaine. Deux ans que vous ne vous lassez pas de Kelly. Ça fait si longtemps que vous la suivez, cette petite. Elle est entrée dans vos vies comme elle est entrée dans la mienne, vous avez vu ses hauts, beaucoup de ses bas, de ses remises en questions. Vous l'avez vue grandir, évoluer. Et je peux uniquement terminer le dernier message de cette dernière partie en vous disant merci. Merci pour votre engagement durant tout ce temps, merci d'aimer l'histoire que j'ai créé presque autant que moi. Merci de lui donner de l'attention, merci pour tous les retours que vous m'avez fait, juste, merci.❤ Vous ne pouvez pas savoir comment c'est précieux pour moi.
On se retrouve une dernière fois la semaine prochaine pour le point final de cette histoire. Pour la fin officielle de ce récit, autant en dedans de moi que pour vous. Après avoir publié l'épilogue, j'aurai comme vraiment fini le premier jet de Nouvelle Lune. J'aurai vraiment cette sensation de vide qui va entrer en jeu. Et je ne suis pas prête pour ça. Préparez-vous à un message de fin lourd en émotions, la semaine prochaine.
Bref.
Et n'oubliez pas, restez positifs !
Cette partie était magnifique... J'ai vraiment adoré ! J'ai tellement hâte à l'épilogue, mais je ne veux pas le voir parce que ça voudra dire que Nouvelle Lune sera terminée... Je crois que je ne suis pas beaucoup plus prête que toi à voir la fin, mais comme je suis certaine que tu vas commencer à publier une nouvelle histoire ici, j'ai aussi très hâte !
RépondreSupprimerMerci Laura ! <3 J'ai adoré l'écrire aussi !! Et selon moi, personne n'est prêt à voir la fin arriver après tant de temps à suivre cette histoire. Mais bon, toute bonne chose a une fin !
SupprimerMoi aussi, j'ai été encore plus fière de Kelly dans cette partie. Et "Vlan dans les dents" 🤣 pour le prêtre. Mais il y a une personne dont je suis encore plus fière que Kelly et c'est toi, ma belle Mariane pleine de talents... Je t'aime très fort !!! 🥰
RépondreSupprimerExact !! XD
SupprimerHooo c'est trop gentil <3 Je t'aime très fort aussi !!