Nouvelle Lune (partie 77)

 Après avoir su la vérité sur ses grands-parents, Kelly prit un long moment pour assimiler la nouvelle. Puis, décidée, elle annonça à ses parents qu'elle voulait qu'ils refassent leur vie ensemble...


— On ne peut pas.

Ce fut la première chose que Thomas répondit à Kelly, presque comme si c'était une seconde nature de lui répondre cela. Ils ne pouvaient pas.

— C'est impossible, Kelly, on ne peut pas revenir avec toi à Thiercelieux.

Son père secouait tristement la tête, presque comme s'il avait déjà envisagé de nombreuses fois cette option avant de la repousser. Comme s'il avait déjà vraiment voulu revenir au hameau. Kelly savait que c'était faux. S'ils l'avaient vraiment voulu, ils l'auraient fait. Il n'y avait rien qui les empêchait de revenir et de s'expliquer. Rien hormis la peur. Une peur qu'ils n'avaient pas à avoir. Pas si elle était avec eux. Les gens de Thiercelieux la connaissaient, ils la laisseraient parler, elle, s'ils refusaient d'entendre Thomas et Laurie-Anne. Ses parents n'avaient rien à craindre. Elle en était persuadée.

Ou était-ce seulement parce qu'il lui serait impossible de reprendre sa vie en sachant ses parents si près d'elle mais inaccessibles ?

Après toutes ces années sans eux, Kelly avait appris à vivre sans parents, à être élevée par d'autres personnes qu'eux. Elle avait appris à se débrouiller, à être responsable d'elle-même. Mais après avoir goûté à ce qu'était que l'amour maternel, l'amour de parents à leur fille, elle ne serait plus capable de s'en passer. Il lui fallait sa mère et son père dans sa vie.

La fillette soupira longuement, fixant avec exaspération son père.

— Kelly, c'est... on ne peut vraiment pas, ajouta sa mère. Et ne crois pas que c'est parce qu'on n'en a pas envie. Refaire notre vie avec toi serait merveilleux, mais c'est impossible.

En secouant la tête, Kelly reprit la parole.

— Grand-mère... enfin...

C'était insoutenable : elle ne savait même plus comment appeler la femme qui l'avait élevée. Elle n'était pas sa grand-mère, et pourtant, après toutes ces années à la considérer comme telle, il lui était impossible de la voir autrement.

— Mireille m'a toujours dit que rien n'était impossible si on le voulait vraiment. Avant, je ne comprenais pas, je voulais de tout mon coeur avoir une licorne de compagnie mais je n'en avais pas. Mais aujourd'hui, je sais. Je comprends. Je sais qu'on peut y arriver. Je sais que vous pouvez retrouver votre place au hameau, parce que rien n'est impossible. Parce que je le veux vraiment, et vous m'avez dit que vous aussi. Alors on va le faire, ensemble.

Hésitants, ses parents se dévisageaient sans un mot, comme s'ils considéraient réellement sa demande. Elle était sur une bonne piste.

— C'est toi, maman, qui vient juste de me dire que c'était la peur qui t'empêchait de faire des choses. Et tu vois, tu avais peur de... moi, et pourtant, tout a bien été ! Pourquoi ça ne serait pas pareil pour Thiercelieux ?

— Les choses sont bien différentes avec Thiercelieux, contra sa mère en déposant un regard malheureux sur elle. Les gens là-bas nous détestent, et n'essaie pas de nous faire croire autre chose. Ils croient que nous sommes des tueurs, des envoyés de Satan.

— Et ce n'est pas vrai ! riposta immédiatement Kelly en sentant le découragement poindre en elle. Ce n'est pas vrai et on a le pouvoir de leur montrer ! Leur montrer qu'ils ont tous tort sur toute la ligne, que vous avez votre place parmi eux ! Avec moi...

Laurie-Anne lui adressa un petit sourire contrit.

— Désolée... fit-elle en haussant les épaules.

— Laurie, réagit Thomas.

Sa femme tourna les yeux dans sa direction, confuse. Ils se contemplèrent un moment. Thomas avait les lèvres serrées, le regard lourd de sens.

— Vraiment ? Tu veux vraiment laisser passer cette chance ?

Le visage de sa femme se décomposa et elle entrouvrit ses lèvres, ses yeux se remplissant de larmes.

— Je sais que tu as peur, chérie. Moi aussi, j'ai peur. Mais ça fait huit ans. Huit ans qu'on vit comme ça, seuls. Ça fait huit ans qu'on fuit la vie dont on a toujours rêvée tous les deux. Tu ne penses pas qu'il serait temps de... d'avancer ?

Les sourcils de la femme s'inclinèrent, sa bouche se tordit. Une larme coula. Thomas saisit avec énormément de douceur son visage, l'obligeant à le regarder dans les yeux.

— J'ai si peur, Thomas, avoua-t-elle dans un souffle tremblant. Si peur. 

Son mari hocha lentement la tête.

— Moi aussi. Mais on ne peut pas passer le reste de notre vie seuls et enfermés. Pense à nos rêves. Pense à tous ces gens qui auront besoin de nous. Tu ne te rappelles pas que Solange est morte ? Pense à tous ces gens qui vont tomber malades et qui se retrouveront sans médecin. Pense à notre fille...

En éclatant en sanglots, la mère de Kelly tomba dans les bras de son époux. Elle y pleura longuement et ce dernier, inébranlable, lui caressa le dos.

Kelly n'osait plus respirer, aurait voulu se faire oublier. Elle attendait, fébrile, que son père tâche de convaincre sa mère. S'ils devaient refuser, elle ne savait pas ce qu'elle ferait. Elle n'aurait pas le choix d'accepter leur décision, bien entendu. Mais elle avait la possibilité d'agir, elle aussi. Arriverait-elle à vivre le restant de ses jours loin d'Alex et Mireille ? Elle en doutait. Particulièrement avec le décès tout récent de Nicolas, ils avaient besoin d'elle autant qu'elle avait besoin d'eux. Elle ne pouvait pas se permettre de les abandonner comme ça. Alors sa seule option était que ses parents acceptent. Ils n'avaient pas le choix d'accepter.

Près d'elle, les pleurs de Laurie-Anne semblaient loin de se calmer. Elle s'accrochait au chandail de son mari avec une détresse poignante et ses cris résonnaient à l'infini dans ce petit espace. Sans doute Liam les entendait-il d'au-dehors. Kelly se demandait comment il faisait pour ne pas venir à leur rencontre s'assurer que tout allait bien. À sa place, cela aurait été fait depuis longtemps.

Thomas était d'un soutien sans équivoque. Il serrait maintenant les paupières, ressentant toute la douleur de sa femme. Il passait ses mains dans son dos avec force, faisant plisser le tissu sous ses va-et-vient. Peut-être que son état d'esprit n'était pas si différent que celui de son épouse, finalement. Il était aussi terrorisé qu'elle à l'idée de retourner vivre à Thiercelieux. Seulement, lui, la peur ne le paralysait pas. Il la surmontait. À aucun moment il ne pleura. Son visage criait la douleur, une douleur profonde qui le lacérait. Mais il n'osait pas l'exprimer, comme s'il préférait l'oublier plutôt que de lui donner la possibilité de se concrétiser, de la rendre réelle.

C'était quelqu'un de fort.

À la lumière pâle de la lune, leur couple avait l'air entouré de magie. La clarté argentée se répandait sur leurs corps, les rendaient presque irréels, couverts d'un vernis brillant. Cette lueur donnait un côté mystique à cette scène, comme celle d'un conte de fées. Ceux que sa grand-mère lui lisait avant de se coucher.

Progressivement, presque relevant du miracle, les cris de détresse de sa mère finirent par se calmer. Ses épaules se mirent à sursauter moins violemment et il ne restait plus que des gémissements qui mouraient dans l'épaule de Thomas. Kelly ne pouvait pas s'empêcher de penser à quel point la vie de sa mère avait été difficile, à quel point elle avait souffert du rejet des habitants du hameau. À quel point elle avait vécu toute sa vie avec la culpabilité d'avoir tué un homme. Retourner au hameau le lui rappellerait sans aucun doute. C'était peut-être pour ça qu'elle redoutait tant d'y mettre les pieds. Les gens étaient cruels et ne manqueraient pas de lui cracher au visage la moindre erreur qu'elle avait commise. Particulièrement dans ce cas où ils souffraient toujours de la mort de leur ancien maire. Ils n'avaient certainement pas encore fait le deuil de cet homme, sinon, ils n'auraient jamais tu l'existence de ce couple devant leur propre fille toutes ces années. Sauf s'ils étaient toujours persuadés qu'ils étaient des sorciers.

La tête de Laurie-Anne se releva doucement, et elle regarda Thomas dans les yeux. Son doux visage était sali par certaines larmes qui avaient eu le temps de sécher et ses traits étaient ravagés. Elle semblait anéantie, mais tomber sur les yeux secs, compréhensifs et assurés du père de sa fille parut la rassurer. Elle passa ses mains sur ses joues et tourna la tête en direction de la fillette. Elle la contempla longuement, soupira à de nombreuses reprises. Puis, elle secoua la tête. 

— Sais-tu combien je t'aimes ? demanda-t-elle en riant au travers de ses larmes.

Kelly déglutit pour s'empêcher de pleurer. Elle s'apprêtait à acquiescer, les yeux humides, puis se ravisa. En vérité, elle n'en avait aucune idée. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle voulait qu'ils viennent vivre avec elle. Pour rattraper les années perdues.

Puis, la femme reporta son attention sur Thomas qui ne l'avait pas quitté des yeux une seule seconde. Elle le dévisagea longuement, hésitante. Son mari hocha la tête. Alors elle déglutit et opina à son tour.

— On accepte, Kelly. On... On va essayer de retrouver notre place à Thiercelieux. Pour toi. Parce que tu es là.

Jamais Kelly n'aurait cru que de simples paroles pouvaient être à l'origine d'une si grande joie.


Salut tout le monde !! C'est avec beaucoup de bonheur que je viens vous partager cette partie 77 de Nouvelle Lune. Je n'ai rien posté les deux dernières semaines pour des très bonnes raisons. Il y a deux semaines, je me suis fait un "rush" d'écriture le dimanche et j'ai réussi à écrire 4500 mots en une journée 😱 Quelque chose dont je ne pensais pas être capable moi-même ! Alors, je pense que vous pouvez comprendre que je n'ai pas vraiment eu de temps pour préparer cette partie de Nouvelle Lune !

Ensuite, pour la semaine passée, eh bien il s'est passé un événement très particulier...

J'ai l'honneur de vous annoncer que dimanche le 23 octobre 2022, j'ai... terminé Nouvelle Lune. 

Je suis toute émue de vous annoncer ça, parce que cette histoire, elle me suit depuis presque deux ans. Et ça fait presque deux ans que vous la suivez aussi. Ça fait presque deux ans que ma petite Kelly est entrée dans ma tête, m'a fait écrire son histoire. Et si vous lisez ces mots aujourd'hui, c'est que vous avez été là pour la suivre dans ses aventures depuis presque deux ans. Je n'en reviens pas, c'est énorme. Deux ans que vous suivez cette histoire, que vous acceptez qu'elle fasse partie de votre vie au quotidien. Il n'y aura sans doute aucune lecture que vous aurez autant étendue que Nouvelle Lune ! 😂 Et, en plus, je n'étais pas toujours régulière ! Vous avez parfois accepté d'attendre deux, trois, quatre semaines avant d'avoir accès à la suite ! Et malgré tout, vous vous êtes accrochés. Alors, sincèrement, merci. L'aventure n'est pas encore totalement terminée pour vous (ni pour moi d'ailleurs, il me reste des parties à poster et j'ai encore plein de choses à modifier pour ce roman), mais les derniers mots de ce roman sont fixés. 122 505 mots. 490 pages de roman. C'est de très loin le plus gros roman que j'ai écrit de toute ma vie (l'autre faisait 59 000 mots !) 

Je pourrais vous dire combien de parties il reste à l'histoire, c'est vrai, mais non, je ne le dirai pas 😁😜 Vous saurez quand vous verrez "Épilogue" 😳

Comme le roman est terminé, je vais peut-être partager certaines parties durant la semaine genre mercredi pour que vous puissiez avoir la fin plus vite, mais ça va dépendre de mon emploi du temps ! Restez attentifs !

Voilà donc, la grosse annonce ce soir ! J'ai trop hâte de lire vos réactions, n'hésitez pas à me les partager, ça me ferait super plaisir ! 😊 Et donc, je vous dis à très bientôt !!

Et n'oubliez pas, restez positifs !

Commentaires

  1. Bravo Mariane pour avoir mis un point final à ton roman !!! (du moins, final pour toi, et en attente pour nous... hi hi). J'ai bien hâte de voir la finale. 🥰

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    1. Merci beaucoup !!! :D J'ai très hâte de vous partager la fin aussi !!

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