Nouvelle Lune (partie 74)

 Réalisant que c'était ses parents qui se tenaient devant elle, Kelly prit un moment pour vivre ses émotions avant de prendre du recul pour lancer la discussion qu'elle voulait avoir avec ces personnes depuis longtemps...


Une certaine peur était dessinée sur le visage de ses parents. Ou peut-être aussi était-ce de l'appréhension. Après tout, ils ignoraient tout de ce dont elle voulait parler. L'air si sérieux et solennel avec lequel elle leur avait annoncé cela n'avait sans doute pas aidé. Mais, après quelques secondes figées dans l'incertitude, son père acquiesça avec un visage plus calme. Il avait compris qu'elle avait mille et une questions à leur poser, et il en était sans doute de même pour lui. 

Sa mère, pour sa part, était toujours troublée, comme si elle redoutait le penchant que pourrait prendre la discussion. Avait-elle quelque chose à cacher ?

Doucement, l'homme s'avança pour faire comprendre à sa femme, toujours agenouillée devant leur fille, qu'il était temps qu'elle s'écarte de cette dernière. Le message passa assez bien et, sans quitter Kelly des yeux, elle se leva.

Le couple s'installa à table, tirant tour à tour une des chaises de fortune. Puis, ils invitèrent la fillette à se joindre à eux. Celle-ci prit une grande inspiration, à la fois excitée et inconfortable devant le moment qui se profilait devant eux. Elle allait avoir une conversation avec ses parents.

Ses parents.

C'était vraiment eux. Et pourtant, elle avait du mal à le croire. Les rencontrer aussi soudainement, après des années à essayer de dessiner leurs visages dans sa tête, avait quelque chose d'ironique. Elle avait tellement attendu que ce moment se présente qu'elle aurait pensé qu'il aurait eu quelque chose de solennel. Elle s'était imaginée que, dès qu'elle les rencontrerait, elle saurait qu'il s'agissait d'eux. Alors que rien ne s'était passé comme prévu. La réalité était si souvent hors des sentiers battus. Et maintenant, elle avait réellement devant elle ses parents. Elle les avait retrouvés, pourrait enfin passer cette vie qu'elle souhaitait avec eux. Elle pourrait apprendre à les connaître, à les comprendre, à les aimer. Enfin.

Kelly, prenant son courage à deux mains, commença à avancer vers la petite table. Elle tira avec crainte une chaise sous le regard oppressant de ces deux individus. Tout à coup, elle avait envie de bien faire. De paraître bien. Maintenant que ce moment d'émotion était derrière eux, elle avait cette pression qu'elle se mettait d'elle-même. Cette pression qui voulait l'empêcher de faire un geste de travers, d'exécuter quelque chose qui pourrait les décevoir. Et s'ils réalisaient qu'ils ne l'aimaient pas, en fin de compte ?

Allons, Kelly, après l'accueil qu'ils t'ont faite, ils ne peuvent pas être si méchants que ça !

En se sermonnant intérieurement, la fillette inspira un grand coup et, lors de l'expiration, se concentra pour évacuer toutes ses peurs et inquiétudes. Tout irait bien. Tout devait bien aller.

Devant elle, ses parents se jetaient de petits coups d’œil, comme s'il étaient eux aussi incertains de la marche à suivre. Que devaient-ils dire ? Qui devait parler en premier ?

Alors que le silence planait autour de la table et que chacun cherchait comment commencer la conversation, sa mère, affolée, s'exclama :

— Ho, mais qu'est-ce que nous sommes impolis, nous ne nous sommes même pas présentés ! 

Elle jeta un coup d’œil à son mari, puis reprit devant son silence :

— Je suis Laurie-Anne, et ton père s'appelle Thomas.

 —Je le sais.

C'était sorti tout seul. Elle n'avait pas pu s'en empêcher : il y avait cette fierté en elle de déjà connaître leurs noms. Cette fierté de montrer que, même si elle n'en connaissait pas autant qu'eux sur elle, elle s'était renseignée. Cette fierté d'avoir réussi à soutirer des informations sur ses géniteurs malgré tous les obstacles qu'elle avait rencontrés.

Sa mère lui jeta un drôle de regard avant d'acquiescer.

— D'accord. Mais je trouvais important que les présentations soient faites officiellement.

Kelly opina avant de, par convention, se présenter à son tour.

— Moi je m'appelle Kelly.

Cette simple phrase fit passer une vague d'amour sur le visage de sa mère, qui aborda un tendre sourire. Ses yeux commencèrent à se noyer de larmes.

— Oui, nous le savons. C'est le nom qu'on t'a donné à ta naissance. Un nom de bonheur et d'espoir.

Comme si dire cela la touchait énormément, Laurie-Anne déglutit sans la quitter des yeux, les yeux larmoyants et toujours cernée d'un petit sourire. Comme s'il avait senti son trouble, Thomas posa la main dans son dos. 

— Si tu savais combien de fois j'ai rêvé à cette rencontre, Kelly, dit sa mère, la gorge nouée. Te laisser derrière moi a été la chose la plus difficile que j'ai faite de toute ma vie.

Elle échappa un petit sanglot aigu.

— Mais je n'avais pas le choix. On n'avait pas le choix. 

Il fallut plusieurs inspirations à la femme pour se calmer, chose que Kelly regretta immédiatement. Elle aurait voulu qu'elle continue à déballer son sac, à compléter sa lancée. Parce que ces paroles n'avaient fait qu'attiser sa curiosité plus qu'autre chose. Qu'est-ce que cela voulait dire ?

— Mais bon, conclut sa mère, la voix toujours légèrement tremblante. On te savait entre de bonnes mains, alors on est partis le cœur en confiance. Du moins, autant que l'on pouvait. Parce que rien n'a été facile dans cet abandon. Rien.

Puis, le silence tomba. Et Kelly se retrouva prisonnière des yeux de cette femme qui l'attirait tant. Si Thomas était discret et ne se faisait que très peu remarquer, Laurie-Anne avait un fort caractère et ne tentait pas à une seule seconde de cacher l'amour qu'elle portait aux gens. Son amour de la vie, des rencontres et des discussions émanait d'elle en vagues, comme si elle n'avait jamais tenté un seul moment dans sa vie d'être vicieuse.

Comment une telle femme avait-elle pu se faire chasser de Thiercelieux ?

— Pourquoi est-ce qu'on vous a forcé à quitter le hameau ? demanda-t-elle presque sans le réaliser, happée dans l'éventail de sensations que faisait naître chez elle sa mère.

Cet éventail d'amour, un amour qui lui était inconnu jusqu'à maintenant et qu'elle contactait avec autant de délice que de curiosité. 

Sa question décrocha un petit rire triste à sa mère dont le regard se voila alors qu'elle détournait la tête.

— C'est une bien drôle histoire. Un malentendu qui a viré au cauchemar. Je ne suis pas certaine si...

— Non ! s'exclama la fillette. J'ai attendu toute ma vie pour savoir pourquoi je n'avais pas pu vous connaître et pourquoi tout le monde préférait faire comme si vous n'existiez pas ! Alors il est hors de question que, maintenant que je peux savoir la réponse, vous ne me disiez rien ! J'ai besoin de savoir ! Vous ne pouvez pas me laisser comme ça !

Sa réaction si vive refit surgir le sourire triste de Laurie-Anne.

— Tu as toujours été comme ça ou c'est le dernier mois qui t'a tant changée ?

Surprise, cette question fit taire Kelly. 

— Vous... vous êtes au courant ?

Et si c'était vraiment eux, les responsables de leur situation ? Et si, à défaut d'être ses parents, ils avaient voulu se venger d'avoir été exclus du hameau en usant de magie noire, comme Nicolas les avaient prévenus ? Non, ce ne pouvait pas être ça. Elle ne pourrait pas supporter d'être la fille de sorciers qu'il fallait tuer pour éviter qu'ils fassent le mal à nouveau. Pas alors qu'elle venait seulement de les rencontrer. Cela serait d'une injustice sans nom. Ça ne pouvait tout simplement pas être ça.

— Liam nous a tenus au courant, lui expliqua sa mère. C'est le seul qui a accepté de garder contact avec nous. Il nous a rapporté pendant toutes ces années des nouvelles de toi et du hameau. Du moins, jusqu'à ce qu'il se fasse suspecter à cause de nous et qu'il ne s'enfuie pour éviter son sort. Ce que nous ne pouvons lui reprocher : cet homme a risqué sa vie pour nous !

Son secret. Le secret que Liam protégeait. C'était donc ça ! Il protégeait ses parents ! Tout ce temps, elle s'était imaginée toute sorte de choses sans jamais suspecter cela. Alors qu'elle avait accès à tant d'indices ! Ainsi, tout ce temps, c'était cela. C'était à cause de Laurie-Anne et Thomas qu'il avait risqué sa vie en revenant à Thiercelieux malgré la pension qui pesait sur lui. C'était pour eux qu'il avait préféré se faire penser coupable. Il avait fait croire qu'il était une créature satanique pour sauver les apparences. Parce qu'il ne pouvait pas parler librement des parents de Kelly au hameau. S'il y avait bien quelque chose que la fillette avait appris, c'était que parler de ses parents était tout sauf bien vu.

— Kelly ?

La voix de sa mère la sortit de sa torpeur et elle leva de grands yeux vers elle, la bouche ouverte de stupéfaction.

— Le secret de Liam... c'était vous ?

Comme si elle réalisait qu'elle en avait trop dit, Laurie-Anne prit un petit air contrit et acquiesça.

— Oui, c'est nous. Mais, s'il te plaît, n'en parle pas. Pas à Thiercelieux, du moins. Ils ne veulent plus entendre parler de nous, là-bas.

— Mais pourquoi ? chercha à nouveau à savoir la fillette.

Cette fois, plutôt que d'éviter la question, la femme soupira, puis planta tour à tour ses yeux dans ceux de son mari et de sa fille.

— Ce n'est pas une très belle histoire. Moi et ton père avons fait une erreur idiote, et nous en payons maintenant le prix. Es-tu vraiment prête à entendre ?

Kelly acquiesça vivement, suspendue aux lèvres de sa génitrice.

— Oui. Je veux entendre.


Bonjour bonjour !! Je vous le dis tout de suite : non, la semaine passée, je ne me suis pas remise à écrire. Enfin, j'ai réussi à écrire 250 mots hier, 250 petits mots que je trouve un peu incertains sur la partie 78. Mais au moins, cette partie est commencée et c'est tant mieux ! Par contre, le rythme de publication rattrape tranquillement ce que j'ai de déjà écrit, alors il faudrait que je m'y remette, vraiment ! Surtout que (je pense que je vous l'avais déjà dit mais bon) j'aimerais finir Nouvelle Lune d'ici le 5 octobre et qu'il me reste environ 7500 mots à écrire... Je ne sais pas si je vais être capable d'atteindre cet objectif, en plus avec l'école qui a recommencé et les devoirs qui pleuvent... Je verrai bien ! En attendant, ça me fait un 305 mots par jour. Ce qui, en soi, est réalisable, ça me prendrait une quinzaine de minutes (si je suis inspirée) à faire. Mais le problème est que je ne suis pas vraiment inspirée pour le moment alors... on verra ! Mais j'aimerais quand même beaucoup réaliser cet objectif. Bref, je vous tiens au courant ! Ha oui et j'ai relu un bout de la partie 75 hier et j'ai eu les larmes aux yeux. La prochaine partie va être intense, croyez-moi. J'ai tellement hâte de vous la faire lire !!! Alors on se dit à très vite !

Et n'oubliez pas, restez positifs !

Commentaires

  1. Je croyais qu'on allait avoir plein de révélations aujourd'hui, je suis un peu déçue... Mais j'ai encore plus hâte à la semaine prochaine !

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    1. Je sais, moi aussi en l'écrivant je m'attendais à ce que ça soit le moment des révélations, mais l'histoire avait besoin de ça alors...! Mais c'est promis, samedi prochain, ça va être super intense et vous allez avoir une bonne lecture ! Prépares-toi du temps ! XD

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