Nouvelle Lune (partie 65)

 Lors du Conseil, le sort de Nicolas se retrouva scellé et, alors, ce dernier dévoila tout ce qu'il savait sur les créatures sataniques et Liam, acceptant par ce fait sa mort...


L'ambiance, pesante, étouffait les locataires de la demeure de Nicolas. Le silence n'avait jamais été si atroce, si vide de sens. Kelly ne comprenait pas pourquoi chacun restait silencieux alors qu'il ne leur restait que quelques minutes à voir Nicolas en vie.

Ils avaient discuté chacun individuellement avec le condamné et avaient eu une longue conversation avec lui, particulièrement Mireille. Alors qu'elle et Nicolas discutaient dans la cuisine, Alex et Kelly étaient demeurés dans la chambre de cette dernière sans arriver à prononcer un mot, écoutant avec douleur les cris de détresse de Mireille et les paroles se voulant apaisantes de son mari. Kelly, elle, n'avait pas réussi à pleurer une seule fois depuis qu'elle avait quitté la demeure de Sylvie avec ses proches, laissant derrière eux ceux qui avaient fait tuer son grand-père. Ses émotions étaient sans dessus dessous depuis qu'elle était partie de cet endroit maudit et elle n'arrivait pas à reconnecter avec elles. Tout ce qu'elle ressentait était le vide. Elle se sentait affreusement vide. Comme si les chocs avaient brisé le lien qui unissait son âme et son corps. Même lors de sa dernière rencontre seule à seul avec son grand-père, elle n'était pas parvenue à saisir grand-chose de leur échange. Son tuteur lui parlait, s'était excusé mille fois, et tout ce qu'elle avait retenu était qu'il agissait bizarrement. Qu'il n'était pas lui-même et qu'en temps normal il n'aurait jamais pris de temps à tête à tête avec elle. Elle n'aurait jamais pu voir le regret dans ses yeux. Il n'aurait pas ressassé des souvenirs, ne l'aurait pas suppliée de ne pas l'oublier et de vivre une belle vie. Il ne l'aurait pas pris dans ses bras. Rien n'aurait été ainsi.

Et pourtant, tout ceci était arrivé.

Parce que rien n'était normal.

Mireille avait toujours les yeux bouffis, Alex avait une sincère condoléance dans ses yeux qui ne cessaient de passer sur Kelly, Nicolas avait les bras croisés dans une attitude de réflexion et elle... Elle n'était sûre de rien. Absolument incertaine de ce qu'elle ressentait. C'était quelque chose de tout nouveau, de tout à fait inédit, qui l'intriguait. Qui la faisait se désintéresser de son environnement, qui la déconnectait de tout le monde réel. Alors qu'elle aurait dû pleurer, elle aurait dû parler, dire quelque chose, déverser tout ce qu'elle avait sur le coeur dans un bloc, tout dire ce qu'elle voulait dire à son grand-père avant qu'il parte. Lui dire merci. Merci de l'avoir élevé, merci de l'avoir pris sous son aile, merci pour tout ce qu'il avait fait pour elle. Mais elle demeurait silencieuse, la gorge sèche et nouée, à laisser les mots qui s'attardaient dans son esprit s'envoler. Disparaître.

Tous ces mots qu'elle ne diraient jamais. Qu'elle ne lui diraient jamais. Ces mots qu'elle regretteraient dans les prochains jours. Nicolas était encore présent avec elle, présentement. Et pourtant, elle ne disait rien. Et, elle se connaissait, dans quelques jours, elle regretterait chaque moment passé en sa compagnie, voudrait le ravoir en face d'elle pour lui confier tout ce qui lui pesait sur le coeur.

Mais elle restait muette, silencieuse.

Comme si ces mots qui lui brûlaient la gorge n'avaient pas d'importance.

Merci.

Je t'aime.

Je m'excuse.

Pardonne-moi.

Je ne t'en veux pas.

Elle aurait voulu mettre un baume sur les souffrances, les regrets, les remords de son tuteur. Elle l'aurait vraiment désiré. Et pourtant, elle se lovait dans le silence. Et Mireille et Alex en faisaient de même. Nicolas en faisait de même. Il ne les regardait même pas une dernière fois. Non. Il se préparait à mourir. À tout abandonner derrière lui. 

La langue à Kelly se mit à la démanger subitement. Elle ne pouvait pas rester plus longtemps ainsi à ne rien dire, à laisser filer les dernières minutes qu'elle avait avec son tuteur dans le silence et l'indifférence. Elle voulait pleurer dans ses bras, le supplier de ne pas se rendre au centre du hameau, hurler toute sa souffrance blottie avec lui. 

Peut-être était-ce ce petit espoir naïf que tout ceci ne soit pas réel, d'avoir raté quelque chose qui ferait qu'elle retrouverait son grand-père le lendemain qui ne la fit pas agir. Elle avait connu la même routine pendant des années, alors en voir un élément clé voler en éclats lui semblait impossible.

En son fort intérieur, elle était convaincue de revoir son tuteur.

Elle en était persuadée.

Alors elle ne tenta pas de mémoriser chaque détail de ce visage qu'elle avait tellement vu. Parce qu'il ne pouvait pas disparaître, c'était impossible. Il était intemporel, plus fort que la mort. Ce n'était pas des adieux qu'elle faisait ce soir mais des aurevoirs. Pour cela, elle ne savait par quel miracle, mais elle en était fermement convaincue. Ces adieux n'existaient pas et n'existeraient jamais. Nicolas continuerait de vivre.

— C'est l'heure, annonça alors son tueur avec le plus impétueux des calmes.

Mireille retint un sanglot à cette annonce, mais ne dit rien. Sa main se posa sur sa bouche et ses yeux furent vite faits d'être noyés de larmes. Son regard, fuyant, était fixé sur le plancher alors que Nicolas se levait du fauteuil sur lequel il était assis en sa compagnie. Ce geste, si définitif, fit trembler la lèvre inférieure de la vieille femme qui tentait tant bien que mal de ne pas laisser paraître son chagrin, comme en témoiganient ses traits crispés. Mais sans résultats.

Debout, seul au milieu du petit rond de places assises que leur famille s'était improvisé, les yeux du condamné firent le tour des personnes présentes pour terminer sur Mireille. De son point de vue, Kelly ne voyait que l'arrière du dos de son tuteur et sa tête pointant en direction de sa femme dont les pleurs ruinaient le beau visage. Il demeura longtemps dans cette position, à dévisager sa douce une dernière fois. Puis, il s'inclina vers elle avec une douceur que sa petite-fille ne lui avait jamais soupçonnée et saisit le menton de Mireille pour la forcer à le regarder dans les yeux. Leur échange dura de longues secondes, puis il lui murmura :

— Mireille. Tu ne veux quand même pas que ce soit la dernière image que j'aie de toi.

L'intéressée, chamboulée, ne répondit rien. Elle ne tenta même pas un signe de tête. Tout ce qu'elle paraissait capable de faire était de fixer une dernière fois l'homme de sa vie en retenant avec toutes les misères du monde ses sanglots. 

Jamais de toute sa vie Kelly n'avait vu Mireille dans cet état. Elle n'avait jamais été si bouleversée. Sûrement ces larmes cachaient-elles également énormément de remords, car c'était en partie de sa faute si Nicolas se faisait tuer ce soir. Parce qu'elle avait étalé la vérité au grand jour.

— Je ne veux pas que tu partes, trouva-t-elle à dire au travers de ses pleurs d'une voix enfantine.

Le pouce de Nicolas passa avec la plus grande des douceurs sur sa joue et il s'inclina un peu plus pour embrasser avec délicatesse son front.

— Mais il le faut. C'est toi-même qui l'a dit. Je ne peux pas continuer à faire mourir des gens malgré moi.

— Mais je ne veux pas que tu partes ! Je ne l'ai jamais voulu ! J'ai été idiote, tantôt, je n'aurais jamais dû dire ça ! fit la femme en sanglotant.

— Il est trop tard, Mireille. Et tu as fait ce que tu avais à faire. J'ai accepté de mourir. Je suis déjà mort de l'intérieur depuis que Satan m'a choisi, en fait. Ce n'était qu'une question de temps avant que ça arrive en vrai. Et au moins, maintenant, je suis certain de ne pas te faire de mal.

— Mais je m'en fiche que tu me fasse du mal, moi ! Tout ce que je veux c'est t'avoir avec moi, cria de douleur la tutrice de Kelly.

— Kelly a besoin de toi, lui rappela Nicolas dans le plus grand des calmes. Kelly, et Alex, maintenant. Ils vont...

Il se retourna brièvement vers les intéressés pour leur jeter un regard, puis poursuivit :

— Ils vont avoir besoin de toi, dans les prochains jours. Je compte sur toi pour les soutenir. Je compte sur vous tous pour vous soutenir les uns les autres. Et tout ce que vous avez besoin de savoir, c'est que je vous aime.

Il se retourna vers ses pupilles et, dans son regard, Kelly put lire un amour fou, un amour qu'il s'était toujours gardé de montrer. Voir cela fit un bien immense à la fillette. Il les aimait réellement. Cela ne pouvait pas en être autrement, après un regard de la sorte. Il les aimait.

Sans pouvoir s'en empêcher, sachant pertinemment que si elle ne le faisait pas maintenant, elle le regretterait toute sa vie, Kelly se leva de sa chaise et courut enlacer son grand-père. Ce dernier demeura surpris un moment, puis il ouvrit les bras à sa petite-fille. Kelly s'y enfouit immédiatement et, enfin, elle renoua avec un semblant d'émotions. Une larme coula le long de sa joue. Et la main de son tuteur se posa entre ses omoplates avec une lenteur infinie, comme si son propriétaire profitait de chaque moment qui lui restait avec sa famille.

Son acte incita bientôt Alex à se lever pour se joindre à l'embrassade chargée d'émotions. Mais ce qui fit le plus plaisir à Kelly fut lorsque sa grand-mère, qui pleurait toujours abondamment, se leva pour se joindre à eux. Ils créèrent un vrai cocon d'amour, de larmes et de regret des temps passés. Le silence les entoura un long moment, chacun puisant en l'énergie et la force des autres pour mieux se relever. À un moment, même Nicolas se mit à renifler. L'émotion les emporta tous sans exception et Kelly se retrouva incapable de formuler une quelconque pensée cohérente. Aucune à l'exception d'une.

C'est mon dernier câlin avec grand-père.

Celle-ci se fit omniprésente, repassa en boucle dans son esprit et la larme qui avait coulée sur sa joue fut suivie par bien d'autres. Le retour de ses sentiments. D'une part, cela lui fit un bien fou, lui donna l'impression de revenir à la vie après un trop long moment d'apnée. Mais d'un autre côté, sa douleur la rencontra de plein fouet et, cette fois, le chagrin ne la laissa pas s'en tirer. Les larmes doublèrent et, lorsqu'elle serra plus fort son grand-père pour une dernière fois, ce dernier, la voix tremblante, murmura :

— Je vous aime, mes amours.


Voici donc cette belle partie 65 ! J'espère vraiment qu'elle vous aura plus, moi, en tout cas, j'ai eu énormément de plaisir à l'écrire !

Je profite de cette partie pour vous annoncer une bonne nouvelle : je pars en Gaspésie aujourd'hui et, contrairement à l'année passée, je pourrai vous partager une partie même si je suis en vacances parce que j'ai de l'avance ! Selon moi, la partie 70 va être terminée d'être écrite aujourd'hui dans la voiture (j'ai quand même huit heures de route à occuper), pour vous donner une idée de toute l'avance que j'ai pris grâce aux 6000 mots que j'ai écrits la semaine passée et les 5000 écrits jusqu'à maintenant cette semaine ! Ça m'a vraiment fait prendre une avance de fou, et ça me fait tout bizarre de savoir que vous avez juste ça d'accessible dans dans l'histoire quand moi je connais déjà la suite et que, par exemple, la partie que j'écrirai aujourd'hui sera juste lue par vous dans 5 semaines !

Mais bon voilà, vous me direz ce que vous avez pensé de cette partie, j'attends vos retours avec impatience !

Et n'oubliez pas, restez positifs !

Commentaires

  1. "Il était intemporel, plus fort que la mort" Ça m'a seulement rappelé ton autre roman ! Et j'ai trop hâte de savoir la vérité à propos des parents de Kelly!

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    1. Oui moi aussi ça m'y a fait penser en l'écrivant ! Et tu verras bien ! 😉

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  2. Profite bien de tes vacances en Gaspésie... 🥰

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