Nouvelle Lune (partie 62)

Pour le Conseil voulant élucider le meurtre de William, Nicolas amena tout le monde dans la demeure de Sylvie pour régler ses comptes avec Liam...

Le sourire qui bordait le visage de Nicolas semblait loin de s'estomper. Dans ses yeux brillait une fierté non dissimulée. À présent qu'il savait que Liam ne pouvait plus lui échapper, il se faisait nonchalant et, avec des gestes exagérés, il s'appuya sur le cadre de la porte. Autour de lui, les gens se massaient pour tenter de voir quelque chose de ce qui se passait dans la salle qui intéressait tant leur maire.

Kelly hésita longuement à s'avancer pour pouvoir voir ce qui advenait de ceux qui étaient dans la pièce. Les remords la rongeaient et elle craignait plus que tout voir la déception dans les yeux des occupants de la salle. La déception de voir qu'elle n'avait rien fait pour les protéger, même si elle savait où ils étaient et dans quelle situation ils se trouvaient. Si elle voyait une telle chose dans leurs yeux, elle ne se le pardonnerait jamais. Déjà qu'elle avait du mal à faire face à la situation seule avec ses pensées.

— Bonjour, Liam.

Le ton vicieux de son grand-père suffit à la décider. Jamais elle ne pourrait supporter ses questionnements, ses suppositions sur ce qu'il adviendrait de Liam qu'elle souhaitait tellement voir en sécurité. L'incertitude la tuerait à petit feu. 

La fillette lâcha la main d'Alex qu'elle agrippait toujours avec ferveur et se faufila entre les gens rassemblés dans la résidence et qui ne savaient toujours pas ce qu'ils faisaient ici. Le silence choqué qui avait précédé les salutations de Nicolas ne laissait prévoir rien de bon. Il avait fait taire les brèves paroles entre les soignants improvisés d'un coup sec.

— Toi ! cracha la voix de Liam, aussitôt suivie de bruits de pas rythmés.

Ce simple mot suffit à faire accélérer le pouls de Kelly. Le ton du fugitif laissait croire qu'une bagarre se préparait et, si la fillette pouvait aider d'une quelconque façon à éviter un moment radical comme celui-là, elle saisirait la chance.

Lorsqu'elle arriva à se dénicher une place au premier rang, la première chose que Kelly remarqua fut que Sylvie s'était réveillée. Cette simple image la submergea d'une reconnaissance énorme. La vieille femme était assise avec peine dans son lit, supportée par Fannie qui tenait une tasse dans sa main, arrêtée dans son mouvement par Nicolas qu'elle scrutait avec un mélange de surprise et de crainte.

Liam s'avançait avec fougue dans la direction du nouveau maire, pointant un index accusateur dans sa direction. La haine et la rage émanaient de chaque pore de sa peau. Peut-être ne savait-il pas à quel point Nicolas était devenu puissant, à présent. Qu'il ne savait pas ce que l'homme qu'il menaçait de son index pouvait lui faire avec de simples paroles.

Provoquer sa mort.

Pourtant, cela ne l'arrêtait pas. Il se retrouva en très peu de temps près du tuteur de Kelly, nez-à-nez avec celui-ci qui ne s'était toujours pas départi de son air suffisant. 

— Regarde ce que tu lui as fait ! beugla-t-il en se retournant vers sa mère. Regarde ce que tu lui as fait !

L'homme soufflait comme un bœuf et ses épaules se soulevaient au rythme effréné de sa respiration. Ses yeux, sans une seconde bifurquer vers la foule meublée dans la maison de sa mère, étaient dardés dans ceux de son rival.

La haine qui se dégageait de l'homme réussit à faire reculer Kelly de quelques pas. Elle n'avait pas confiance en ce que ce moment leur apporterait. Son grand-père n'avait pas reculé d'un seul centimètre durant le temps où Liam fonçait vers lui et le sourire narquois qu'il arborait ne rendaient que davantage folles les prunelles du fugitif.

— Regarde plutôt ce que tu lui as fait, contra Nicolas avec un calme olympien. Son fils, accusé de meurtre, s'enfuit en total lâche au lieu d'assumer avec honneur son sort. Il a de quoi faire mourir une mère de chagrin, ce comportement. Tu es indigne, voilà ce qui arrive ! Tu l'as laissée seule, tu l'as abandonnée alors qu'elle était malade. Qu'elle avait besoin de toi. Et maintenant, tu vas me faire l'honneur d'assumer ce qui t'attend avec les tripes de l'homme que tu es censé être ! Voilà ce que tu vas faire ! Laisse-lui voir au moins une dernière fois un fils digne avant que son pauvre cœur la lâche ! Elle le mérite !

— Ne parle pas de mort sous ce toit, souffla Liam entre ses dents.

Nicolas balaya du revers de la main la demande en roulant des yeux.

Incapable de subir plus longuement une telle attitude de sa part, Liam saisit sa chemise bien ajustée et tira le vieil homme dans la pièce pour le plaquer sur le mur.

— Si je t'entends prononcer une seule autre fois des paroles de la sorte, je peux t'assurer que tu vas passer un mauvais quart d'heure, vieillard. Je ne te laisserai pas manquer de respect ni à ma mère ni à moi comme ça.

Devant l'agressivité du fils de Sylvie, Mireille s'approcha des deux hommes, prête à intervenir si les choses viraient mal, contemplant la scène avec une crainte non contenue.

Si le choc qu'il avait subi l'avait secoué, Nicolas n'en laissa rien paraître. Les menaces de Liam ne déclenchèrent chez lui qu'un sourire affaibli par sa position précaire.

— Ho non, jeune homme. Je peux t'assurer que c'est toi qui va passer un mauvais quart d'heure. Et sans doute même plus. Souviens-toi qui, de nous deux, est accusé de meurtre.

Kelly sentit son cœur se rompre sous cette accusation si directe, et voir le fils de Sylvie si ébranlé de ce rappel ne l'aida pas. Liam ne semblait pas avoir réalisé ce qu'il allait advenir de lui, maintenant qu'il avait été repéré. La rage d'avoir à nouveau Nicolas dans son champ de vision avait balayé tout le reste.

L'esprit de Kelly repassa en détails la scène où le fugitif lui avait avoué que Nicolas torturait sa mère pour savoir d'elle où il se cachait. Pour le retrouver et le tuer. Elle revit le moment où elle avait demandé au concerné si cela était vrai. Celui où elle avait rendu visite à Sylvie pour voir son état. Celui où elle avait cru son grand-père. À ce moment, elle avait cru en les dires de son tuteur de tout son cœur.

Alors pourquoi doutait-elle tant devant la fougue de Liam ?

Avait-elle été si aveuglée par son désir de croire son grand-père innocent qu'elle était passée à côté de la vérité ?

Le doute l'emplit. Ses yeux se remplirent de larmes. Et si Nicolas n'était vraiment pas celui qu'elle pensait ?

Liam tituba de quelques pas vers l'arrière, comme s'il réalisait de plein fouet que son heure était venue. Qu'il n'avait rien pour prouver sa bonne foi. Qu'il était fait.

Nicolas le remarqua. Son sourire ne s'en retrouva qu'élargi. Il se redressa de toute sa hauteur, lissa sa chemise, et scruta avec un délice apparent son rival se retourner avec un abattement sans nom vers sa mère.

Et Nicolas fit face à la population de Thiercelieux avec une lueur de plaisir malsain dans ses yeux.

Il n'était clairement plus la personne que Kelly connaissait. Le Nicolas qu'elle connaissait était terre-à-terre et défendait les causes qu'il croyait juste. Il devait nécessairement avoir changé pour promouvoir une cause si peu honorable.

— Cet homme, scanda-t-il en pointant l'intéressé, a été accusé à mort et s'est enfui ! Vous le savez, nous le savons tous. Seuls les lâches fuient devant les accusations. Les lâches ou les coupables ! Il est l'heure, chers concitoyens, de retrouver l'ère de paix que nous avons quitté et qui nous manque à tous ! Aujourd'hui, faites le bon choix et suivez-moi ! Cet homme est la créature satanique qu'il nous manque, qui nous fait stagner dans le mal qui s'est installé dans notre hameau bien-aimé ! Aidez-moi à mettre fin à cette torture qui nous tourmente tous. Mettons à mort ce vaurien !

William. C'était un discours que William aurait très bien pu tenir. Kelly avait cru, en voyant son tuteur être élu, que jamais elle n'aurait à subir des remarques disgracieuses de la sorte. Alors qu'en fait, peut-être n'y avait-il pas tant de différences entre les deux rivaux. Seulement, l'un d'eux était de sa famille et ne lui avait jamais parlé sur ce ton.

— Non.

Ce petit mot fut suivi d'une quinte de toux difficilement freinée qui fit quitter les yeux de Kelly de son grand-père, surprise que quelqu'un ose intervenir dans un moment de la sorte. Son regard tomba sur Sylvie, qui avait trouvé l'énergie de défendre son fils.

Tout à coup, une étincelle d'espoir vint s'allumer dans l'esprit de la jeune fille  sans qu'elle ne puisse s'en empêcher. Elle n'aurait pas dû lui permettre de vivre, à cet espoir déjà vain qui serait bientôt anéanti. Mais tout ce qu'elle trouva à faire fut de s'y accrocher de toutes ses forces. 

— Mon fils est innocent, parvint à dire la vieille femme soutenue avec crainte par Fannie. Et je sais qui est la créature satanique qui nous manque.

Une seconde fois, la toux vint lui écorcher la gorge encore plus violemment que précédemment et, sur sa chemise de coton atterrirent quelques gouttes de sang.

Puis, alors que Mireille approchait avec une serviette humide à pas hésitants, la malade reprit contenance et ses yeux balayèrent l'assemblée avec un air solennel que Kelly avait très peu vu auparavant.

— Je le sais qui c'est parce qu'il me l'a dit lui-même.

Et voilà comment se termine cette partie 62 de Nouvelle Lune ! Cette fois je vous promets, la prochaine partie va être riche en révélations, comme je crois que vous pouvez vous l'imaginer ! J'ai déjà hâte d'écrire ce moment !!! 😀 Et je dois vous avouer que, question écriture, j'ai vraiment hâte que l'été arrive. Ça va être le premier été où je me sens à fond côté écriture, donc j'ai vraiment hâte de voir ce que ça va donner et à quel point je vais pouvoir m'avancer plus dans mes écrits ! En tout cas j'attends avec impatience la venue des congés scolaires pour ça !!

Allez, c'est tout pour cette semaine, j'espère que vous avez aimé cette partie (si c'est le cas n'hésitez pas à me le faire savoir en mettant un petit commentaire ! 😁) et je vous dis à la semaine prochaine !!

Et n'oubliez pas, restez positifs !