Nouvelle Lune (partie 58)

 Accompagné d'Alex et Kelly, Liam se rendit à la demeure de Fannie pour lui demander son aide pour sauver sa mère...


L'entrée de Liam dans la demeure de sa mère se fit avec fracas. Tout le long de leur avancée, il avait pressé le pas, allant jusqu'à saisir la main de Fannie pour la maintenir à sa cadence. C'était à peine s'il avait tenu compte de Kelly et Alex qui étaient sans doute de son point de vue plus encombrants qu'autre chose, dans une situation de la sorte. 

La maison était habitée d'un silence peu rassurant. Après la porte que Liam avait fait claquer contre le mur, le contraste n'en était que d'autant plus souligné. Les oreilles de Kelly, habituées au son alarmant de leurs chaussures raclant les chemins de terre, se mirent à bourdonner légèrement sous la tranquilité choquante de l'endroit. Elle et Alex avaient suivi de près les adultes, maintenant un pas de course rythmé, et se permettre la respiration bruyante dont elle avait tant besoin après ce sprint semblait inapproprié. Comme si elle allait gâcher la paix d'un mourant. Ce qui était peut-être bien le cas.

Liam jeta un regard trahissant un affolement qu'il aurait sans doute voulu garder pour lui à Fannie et, sous un grave signe de tête de la part de cette dernière, il détala vers la chambre de Sylvie. Sa main, toujours prisonnière de celle de la jeune mère, tirait la femme vers l'avant toujours plus vite. À plusieurs reprises, ils passèrent proche de renverser un meuble ou un vase dans la course de quelques mètres qu'ils avaient à parcourir.

Et enfin, ils la trouvèrent. 

Sylvie, la respiration superficielle, le teint livide et les yeux vides fixant le plafond. Maintenant plus que jamais, elle paraissait sur le seuil de la mort, ce qui eut pour effet d'ajouter à l'angoisse de son fils. Il lâcha la main de Fannie qui, en constatant l'état de Sylvie, s'était figée, muette et horrifiée, et accourut au chevet de sa mère.

Mireille, agenouillée près de la mère du fugitif, arborait un air soulagé lorsqu'elle se retourna pour les accueillir. Sans attendre une seconde de plus, elle se leva et saisit les mains tremblantes de Fannie.

— Enfin ! s'exclama la vieille femme. Fannie, aide-moi, je t'en prie, elle ne va vraiment pas bien et... (son regard se déporta brièvement vers la malade et Liam, à son chevet, qui lui hurlait de se réveiller, de lui dire quelque chose, sans succès.) je n'ai pas le coeur à la laisser mourir. On en a assez d'un mort par jour, et avec celle de William ce matin, ça n'arrangerait en rien l'état d'esprit général.

La tutrice des enfants avait laissé glisser la dernière phrase entre ses dents, comme pour éviter à ses pupilles de les comprendre. Mais cela avait été vain. De derrière les adultes totalement débordés, Kelly et Alex demeuraient derrière le cadre de porte et examinaient avec désolation cette scène où tout ce qu'ils auraient pu tenter aurait été inutile. Comment avaient-ils pu rater le fait que Sylvie allait mal à ce point ? Kelly ne cessait de ressasser cette question dans son esprit. Elle était pourtant venue faire un tour ici même, avec son grand-père, il n'y avait pas si longtemps que cela. Et elle n'avait rien vu venir. Elle croyait que le mal dont souffrait la mère de Liam n'était que passager, qu'elle finirait bien par guérir avec le temps. Si seulement elle avait pu prévenir cette situation, si elle avait pu empêcher tout cela d'arriver. Elle savait qu'elle aurait pu. Si elle avait été plus attentive. Moins concentrée sur elle-même. C'était en partie de sa faute. De la faute de son inattention stupide. Et aujourd'hui, c'était Sylvie et Liam qui en souffraient. Par sa faute.

Fannie acquiesça lentement, la respiration tremblante. Mireille la fixa un moment dans le blanc des yeux, comme pour être certaine que la personne chargée de l'aider qu'on lui avait apporté serait à la hauteur, serait capable d'encaisser ce qu'elles s'apprêtaient à faire, puis hocha la tête. Cela semblait autant être en gage d'encouragement pour elle que pour la jeune mère. Elle se retourna enfin et marcha jusqu'au corps inerte de leur patiente improvisée. 

Une larme coula sur la joue de Kelly, laissant un sillon chaud sur son passage. Elle avait tout raté. N'avait pas réussi à prévenir cet événement. N'était même pas parvenue à ouvrir les yeux assez pour faire sa part.

Égoïste.

Elle n'arrivait même pas à s'oublier un instant pour se concentrer sur autre chose qu'elle-même. Et par sa faute, entièrement sa faute, on souffrait aujourd'hui. Liam craignait de perdre sa mère. Elle le voyait verser des larmes pour la première fois. Des larmes qu'elle ne pourrait jamais sécher. Parce que c'était entièrement sa faute. Sylvie allait mourir. À cause d'elle.

Et si, subjugué par le chagrin, Liam se décidait à se rendre pour accepter le sort qui lui était réservé dans ce hameau ? Qu'il abandonnait ce secret pour lequel il avait laissé tomber sa chance d'être retenu innocent ? À cause d'elle.

Alors, d'un certain point de vue, elle serait responsable de sa mort. Cela n'avait jamais été son intention, mais, indirectement, elle l'aurait tué. 

Égoïste. 

Une main sur son poignet, qui s'y posa avec la plus grande des douceurs, fit réaliser à Kelly qu'elle ne voyait même plus ce qui se passait devant ses yeux. Un voile de larmes avait obscurci sa vue et, prisonnière de ses pensées noires, elle ne l'avait même pas remarqué. Encore une fois. Elle était tant obsédée par elle-même, par ses pauvres petits sentiments, qu'elle ne daignait même pas porter son attention sur ceux qui en avaient vraiment besoin. Sylvie aurait pu mourir devant ses yeux qu'elle ne l'aurait même pas remarqué. 

Égoïste.

— Kelly. Partons. 

La voix d'Alex était incertaine, hésitante. Mais par-dessus tout emplie d'une immense détresse. Il ne voulait pas voir ce qui se passerait ici. Il avait peur. Et encore une fois, elle ne l'avait pas remarqué. Trop centrée sur elle-même. Elle ne remarquait rien. Même pas que son meilleur ami, qu'elle pensait pourtant connaître sur le bout des doigts, en avait assez. 

Égoïste.

Elle se retourna vers lui, séchant les larmes superflues qui lui brouillaient la vue. Alex la fixait avec une telle intensité dans son regard noisette qu'elle en eut le souffle coupé.

Égoïste.

Mais lorsqu'elle vit une larme couler sur le visage bien sculpté du garçon, c'en fut trop.

Égoïste. 

Les larmes.

Égoïste.

La douleur.

Égoïste.

Les cris.

Égoïste. 

Égoïste.

Égoïste.

Submergée par la douleur, par son désir de bien faire, par ses remords, Kelly s'effondra. Elle tomba au sol, se repliant sur elle-même pour tenter d'étouffer cette douleur poignante dans sa poitrine, hurlant pour extérioriser cette douleur qu'elle n'était plus en mesure d'encaisser. Elle ne devait pas faire ça. Sylvie avait tellement plus besoin d'aide qu'elle. Et elle, incapable de gérer une poignée d'émotions, allait attirer l'attention sur elle. Alors qu'ils devaient absolument s'occuper de Sylvie. Ou alors, la fillette serait encore plus responsable, si elle mourrait. 

De petits bras se refermèrent sur son dos et une tête y prit appui. Couchée contre ses genoux, les mains refermées en poignées bien serrées sur ses cheveux, Kelly interrompit son flot de pensées noires sous ce contact inattendu. Elle n'avait plus la force pour rejeter cette aide. Même si elle ne la méritait pas. C'était Alex. Son meilleur ami. Celui à qui elle devait, elle allait toujours devoir tant. Le garçon le plus extraordinaire de cette Terre. Qui, même dans ce moment où il avait lui-même besoin d'aide, trouvait une façon de lui en donner à elle. 

Doucement, d'elle-même, la tête de Kelly se leva. Elle avait besoin de voir les yeux de son ami. De voir qu'elle n'était pas un monstre, une incapable aux yeux de tout le monde. Et tout ce dont elle avait besoin était tout près. Il ne lui fallut qu'un geste de sa part pour tomber sur les iris d'une des personnes qui lui était les plus chères sur cette Terre. Son cher Alex. Les yeux emplis de larmes, d'inquiétude. Il s'inquiétait pour elle. 

Alors elle se redressa. Elle ne pouvait pas laisser le garçon dans cet état, désorienté par sa faute. Il voulait rentrer. Et ils rentreraient. Elle ne pouvait pas le laisser comme ça encore une fois. Elle avait ce besoin, ce désir si ardent de voir qu'elle n'était pas seulement qu'une égoïste sans coeur. Elle le prouverait à tous. À elle-même. En commençant par se lever dès maintenant, par mettre quelque chose en action pour laisser cet égoïsme derrière elle. Elle ne pouvait pas être seulement un amas d'égoïsme. Elle était Kelly. Et elle était quelqu'un de bien. Cela devait en être ainsi. Car, sinon, comment pourrait-elle continuer sa vie ?

Les yeux perdus dans ceux du garçon, la fillette se leva. Un pied à la fois, se hissant de son mieux toujours plus haut. Et, près d'elle, Alex lui souriait malgré les larms encombrant ses yeux. Au moins, si ses cris de douleur avaient alerté quelqu'un, il ne s'était pas délaissé de son occupation.

Et elle y parvint.

Enfin.

Debout, bien haute et campée sur ses pieds.

Elle regarda une dernière fois le drame se jouant près d'eux.  Cependant, cette fois, elle semblait flotter au-dessus de tout cela. Comme si ce n'était qu'un rêve passager qui, à son réveil, s'estomperait. Elle n'eut pas la force de se dire que ce n'était pas le cas, que tout ceci était bien réel. 

On avait tous droit à ses moments de déni, non ?


Oui, vous ne rêvez pas, samedi matin et déjà une nouvelle partie de Nouvelle Lune ! Merveilleux, non ? Ma routine d'écriture commence à payer ! Parce que imaginez-vous que j'ai écrit les deux tiers de cette partie MERCREDI. Oui oui, mercredi soir. Je me suis mise de la musique et après, ça a écrit tout seul ! J'ai eu trois séances d'écriture coupées par de petites choses dans ma routine du soir alors que d'habitude, après une séance, je ne réécris plus ! Et à la fin de la soirée j'avais 1036 mots. Voilà. Tout simplement. Et j'ai terminé l'écriture de la partie ce matin, parce que je tenais absolument à vous la rendre disponible le samedi matin. Pour le nombre de fois où je vous ai annulé une partie une semaine ou que j'ai pris du retard dans ma publication pour une panoplie de raisons différentes, je vous devais bien ça ! Mon objectif est de commencer à prendre de l'avance sur les parties pour que celle de la fin de semaine soit déjà toute prête à la publication le samedi. J'entre dans la phase de la mise en place de ma routine d'écriture "Écrire minimum 10 minutes par jour" alors avec ça, peut-être que ça sera possible ! Même si cette partie est déjà publiée pour aujourd'hui, je vais sûrement réécrire aujourd'hui. On garde l'objectif de prendre de l'avance en tête !

Sur ce, je vous souhaite une très belle semaine et on se retrouve dans 7 petits dodos pour la suite de Nouvelle Lune !

Ha oui et cette partie est le 60e article de mon blog !!! 😃😃😃

Et n'oubliez pas, restez positifs !

Commentaires

  1. Bravo pour ta discipline de travail ! 🥰 et bonne semaine à toi aussi... 💖

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  2. Oups... mon nom n'était pas apparu...

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  3. Bravo !!! Imagine, peut-être que tu réussiras à publier une partie à chaque semaine avec même plusieurs autres déjà prêtes, grâce à ta nouvelle routine d'écriture ! Et c'est encore une très belle partie, un peu um... dépressive comparée aux autres, mais super bonne !

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    1. Oui j'aimerais beaucoup !!! C'est mon objectif en tout cas ! Et oui, j'avais promis de l'action et MALGRÉ ÇA je suis retombée dans de l'introspection... J'aime trop ça en écrire !!!

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