Nouvelle Lune (partie 54)
Déterminé à faire la lecture des lettres de son père pour sa soeur, Alex, accompagné de Kelly, tomba sur un message adressé à sa mère...
Kelly tomba au sol aux côtés d'Alex et s'empressa de le serrer dans ses bras. Le garçon prenait de grandes inspirations entrecoupées de violents sanglots agitant tout son corps. Ses mains, naturellement, vinrent se positionner derrière le cou de son amie et il déposa sa tête contre son épaule. Cela ne prit par la suite que quelques secondes à la fillette pour sentir les larmes tremper le tissu de sa robe. Peu à peu, la sensation désagréable d'humidité s'insinua sur sa peau, mais elle n'eut pas le courage de se détacher de son frère d'adoption. Il avait besoin de quelqu'un, et si ce n'était pas elle, qui pourrait le soutenir ? Il venait de recevoir un poignant rappel de ses parents disparus à jamais, de ces deux êtres qu'il avait tant aimés et qui ne seraient plus jamais présents pour lui. Sans doute que, si elle avait pu lire une lettre de ses parents, Kelly aurait elle aussi éclaté en sanglots, et ce même sans avoir connu ses géniteurs. Alors, elle comprenait Alex mieux qu'il ne pouvait l'imaginer.
Des pas précipités s'arrêtèrent soudain dans la pièce, freinant net devant la scène que les deux enfants constituaient. Kelly devina aussitôt qu'il s'agissait de Mireille sans même relever la tête. Leur tutrice était la seule qui était présente avec eux dans la demeure et cette réaction ne pouvait que lui appartenir, il lui paraissait donc évident que ce soit elle.
Sans prononcer un mot, la femme avança à pas mesurés vers le bureau de bois. En posant des yeux paniqués sur le meuble, la jeune fille constata que la lettre adressée à Cynthia gisait, légèrement abimée, sur le sol à quelques centimètres d'eux. Il n'y avait donc techniquement que les pages au nom d'Amélia qui étaient visibles. Elle ne savait pas si elle préférait cela ou, au contraire, que sa grand-mère comprenne ce qui les avait mis, Alex particulièrement, dans cet état. Était-ce une bonne chose qu'elle ne sache pas ?
Mireille posa une main délicate sur le papier et entama une lecture brève. Ses yeux passèrent en diagonale sur l'écriture et, après quelques secondes troublées par les cris d'Alex, son regard se tourna vers le tiroir demeuré ouvert. Elle s'appliqua à identifier tout ce qui y était contenu pour, enfin, tendre la main.
Kelly regarda les gestes si inattendus de sa tutrice avec appréhension. Elle se serait attendu à ce que la femme se précipite vers eux, les priant de lui expliquer ce qui se passait, comme elle en avait l'habitude. Or, elle semblait déterminée à trouver les réponses elle-même, à avoir exactement les mêmes détails qu'eux. Sauf qu'elle ne les aurait pas. Elle ne cherchait pas au bon endroit, et la curiosité démangeait Kelly de savoir ce qui avait poussé Mireille à se pencher vers le contenu du tiroir. Visiblement, c'était dû à quelque chose mentionné sur la lettre.
Une bague de bois magnifiquement sculptée émergea du meuble, prisonnière des doigts de la femme. Quatre dauphins, deux grands et deux plus petits, créaient la parure de l'anneau. Ils semblaient sauter pour se rattraper l'un l'autre, leurs queues soudées au centre, créant grossièrement la forme d'un losange.
Une sensation de déjà-vu vint déranger Kelly, qui se mit à repasser dans son esprit le moment où elle aurait pu voir le bijou. Il lui semblait vaguement familier, sans pour autant qu'elle ne parvienne à le replacer immédiatement. Puis, cela la frappa.
La bague qu'Esteban avait sculptée pour Cynthia.
C'était ça. La bague qu'Esteban avait sculptée pour sa femme. Celle qui l'avait poussée à sortir le soir. Celle qui l'avait tué, d'une certaine manière. C'était l'exacte définition qu'Alex lui en avait faite, et la représentation qu'elle s'était imaginée était presque sincère à la réalité. Donc, si elle comprenait bien... le bijou était mentionné dans le message pour la soeur de son meilleur ami.
Le regard de sa grand-mère rencontra enfin le sien. Ses propres yeux, luisants de larmes, tentèrent de transmettre la profondeur de ses sentiments et tout ce qu'elle aurait voulu faire pour le garçon qui sanglotait contre elle à sa tutrice. Elle l'aimait tant. Et il ne guérirait jamais complètement. Il resterait en proie à des séquelles pour toujours. Il ne serait plus jamais le même. Pourtant, elle aurait tant donné pour effacer toutes ces affirmations !
Les prunelles de Mireilles étaient emplies de compassion et laissaient filtrer toute la douceur qu'elle cultivait, cet instinct maternel qui semblait incapable de s'estomper, même avec l'âge. La promesse que sa pupille aurait toujours quelqu'un sur qui compter.
C'était tout ce dont Kelly avait besoin pour que sa barrière invisible cède. Avoir quelqu'un sur qui compter autre qu'elle-même. Alex, en cet instant, s'appuyait-il affreusement sur elle, et cela était trop. Elle ne pouvait pas gérer tout ceci seule.
D'un coup, elle réalisa à quel point elle avait pris sur elle, les dernières semaines. Cela lui semblait faire des mois qu'elle n'avait pas pris un seul moment pour elle-même. Dernièrement, elle avait tout fait pour retrouver sa vie d'avant, avait accumulé des secrets dont elle aurait préféré nier l'existence. Elle avait menti, pas pour couvrir une bêtise, mais bien parce qu'elle n'avait pas le choix. Elle s'était sentie obligée, avait passé à un doigt de la mort, était coincée avec cette insomnie qui ne la lâchait pas. Et si elle n'avait plus envie de jouer les héroïnes ? Et si elle décidait que cela était assez, qu'elle se rebellait contre la vie qui jouait avec eux depuis trop longtemps déjà ? Et si...
Non.
Non, elle ne pouvait pas faire ça. C'était la bien triste vérité. Ils étaient prisonniers des créatures sataniques. Tant qu'il en resterait une en vie, des gens continueraient de mourir. Elle pouvait encore perdre Nicolas, Mireille, Alex, et tous ces gens qui l'avaient vu grandir. Elle pouvait encore mourir, elle aussi. Être égoïste ne lui servirait à rien. Elle était coincée avec ce don. La dernière chose qu'avait voulue Solange était qu'elle ne gâche pas sa vie, qu'elle ne gâche pas son don. Qui était-elle pour aller contre les désirs de son alliée ?
Elle éclata en sanglots. Une horrible sensation de pesanteur lui compressait les épaules. Elle avait une trop grande tâche, que personne n'avait jamais pu lui apprendre. Elle ne pouvait compter que sur elle-même, les autres ne pouvaient pas comprendre ce qu'elle vivait. Ils n'étaient pas elle.
Mireille s'accroupit doucement à leur hauteur. Alex pleurait toujours, attaché à Kelly comme à une bouée. Avec une douceur infinie, leur tutrice les enveloppa tous les deux de ses bras. Sa chaleur réconfortante vient les envelopper et elle les laissa pleurer, muette. Sans doute avait-elle compris qu'aucun mot ne pourrait alléger cette souffrance, différente pour chacun d'eux, qui les lacérait. Elle les laissa pleurer, extérioriser leur douleur, évacuer toute cette tristesse, cette peur.
Kelly devait avec sincérité avouer que rien n'aurait pu davantage l'aider. Les mots n'auraient que remué encore un peu le couteau dans la plaie qu'était son désespoir, lui auraient donné une raison supplémentaire de s'apitoyer sur son sort alors qu'elle devait rester forte, devait tout faire pour que Thiercelieux s'en sorte. En restant vivante, si possible.
Le sort de sa communauté dépendait de sa volonté et de ceux l'entourant à établir justice. Elle devait absolument trouver les – la, s'il étaient chanceux – créatures sataniques restantes. C'était tout ce qu'elle avait à faire pour oublier cette période et revenir à sa vie d'avant.
Tout ce qu'elle avait à faire...
Sa vie d'avant...
Tout cela était dépourvu de sens. Repérer les créatures sataniques était une tâche énorme.
Et sa vie d'avant n'existait plus.
Jamais elle ne pourrait retrouver le parfait bonheur. Pas avec les horreurs qu'elle avait vues. Son esprit était marqué d'un fer brûlant qui laisserait sa trace pour le restant de ses jours. Sa naïveté était en lambeaux. Et si cela persistait assez longtemps, il en serait de même pour sa vie. Gâchée. Anéantie.
Brisée.
Bonjour les amis! Je vous accueille à nouveau cette semaine pour la partie 54 de Nouvelle Lune!
Je vais vous l'avouer, l'écriture a pris une place particulière dans mon monde cette semaine. J'ai écouté des vidéos de conseils d'écriture, je m'endormais en pensant à mon plan pour l'histoire que je commence à préparer et à ce que je pourrais inclure à Nouvelle Lune (qui, je vous le rappelle, n'a pas de plan défini, et donc chaque nouvelle partie que j'écris est autant une surprise pour moi que pour vous!), j'ai relu dix parties de Nouvelle Lune (donc plus de 10 000 mots) pour repérer les noeuds à défaire avant la fin de l'histoire et les incohérences à corriger pour la réécriture de l'histoire pour en faire une version plus officielle, j'ai suivi une formation gratuite sur comment écrire des dialogues convaicants et réalistes (et pris des notes!) qui a été franchement très instructive, et je vais sans doute relire très bientôt ma série préférée (Gardiens des cités perdues de Shannon Messenger pour les intéressés!) pour analyser ce qui fait que je l'aime à ce point là et pourquoi l'histoire a si bien fonctionnée... Je me regardais moi-même et je me disais que j'étais en train de faire une fixation sur ça! 😂 Mais bon, c'est la passion qui m'anime, alors je ne crois pas qu'il y ait de mal à ça!
Alors voilà, j'espère que vous aurez aimé cette partie plus psychologique de notre belle Kelly qui se rend ENFIN compte qu'elle en prend un peu trop sur ses épaules... Mais d'après vous, va-t-elle vraiment en prendre moins? Dites-moi ce que vous en pensez! Bonne semaine tout le monde!
Et n'oubliez pas, restez positifs!
Je trouve très intéressant de savoir comment tu te renseignes sur l'art d'écrire. Tu es très consciencieuse dans ton projet d'écrire. Bravo !!! 🥰
RépondreSupprimerTant mieux!! Et merci!!! 😊😊
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