Nouvelle Lune (partie 53)

Accompagnés de Mireille, Kelly et Alex se rendirent chez ce dernier pour récupérer les choses qui lui manquaient, mais, interrompant la raison première de leur venue, le garçon se rendit dans le bureau de son père pour y lire les lettres qu'il avait rédigées avant sa mort pour sa petite soeur...

Kelly lâcha prestement le bras d'Alex. Ses yeux s'entrechoquèrent brutalement avec les siens et tout ce que la fillette put y lire était une puissante détermination. Malgré tout, les doigts du garçon frétillaient, signe apparent de sa nervosité. Et elle le connaissait depuis assez longtemps pour savoir qu'il était plus atteint par ces lettres qu'il ne voulait le laisser paraître.

— Alex, souffla-t-elle. Tu es sûr ?

Son incertitude fit vaciller la confiance de son meilleur ami. Le doute passa un instant dans ses yeux, mais fut vite dissipé.

— Oui. C'est la dernière chose qui peut encore me lier à papa. Je veux savoir.

Lentement, la jeune fille acquiesça. Elle n'était pas certaine d'à quel point cela était une bonne idée. Et s'il découvrait des choses qu'il aurait préféré ne pas savoir ?

Alex pivota sur ses pieds, raide, et laissa s'écouler un moment avant de bouger à nouveau. Ses pas se succédèrent cependant presque sans hésitation et, en quelques secondes, il se retrouva accroupi devant les tiroirs du bureau de son père. Kelly s'empressa de le rejoindre, s'interdisant de le laisser seul dans ce qu'il s'apprêtait à faire.

Doucement, son ami tira un tiroir, laissant émerger une montagne de paperasses. En apercevant le contenu, l'orphelin grimaça et repoussa le compartiment.

— Je pense que c'est juste ses dossiers pour le travail, expliqua-t-il.

Il poursuivit donc ses recherches et, en glissant le troisième tiroir, il tomba sur des effets personnels d'Esteban entassés pêle-mêle dans le caisson. 

Et, au fond de celui-ci, plusieurs feuilles remplies d'une écriture cursive. 

Le garçon se figea, sa main en suspension au-dessus des objets illustrant une partie de la vie de son père. Il semblait incapable d'exécuter un seul mouvement et, d'un coup, sa respiration s'était considérablement accélérée. 

— Je crois que... c'est ça, Kelly. Je pense que je les ai trouvées.

L'intéréssée était incapable d'encourager son frère adoptif à saisir les documents partiellement recouverts de petits objets. La peur qu'il tombe sur une information compromettante la hantait, malgré sa conscience qui tentait de la rationaliser en lui rappelant que ces mots étaient adressés à une jeune fille qui aurait été de huit ans sa cadette. Or, elle était incapable de taire cette angoisse qui la saisissait au plus profond d'elle-même. Son instinct semblait la prévenir d'un danger imminent, malgré les risques quasiment inexistants.

La main d'Alex s'approcha d'un mouvement solennel du contenu du bureau l'intéressant et, en écartant avec minutie les objets entravant les feuilles, il saisit ces dernières. Elles étaient en parfait état et d'un grain abimé uniquement par l'encre bleutée. Leur surface, lisse, trahissait la fraîcheur.

En tremblant d'une excitation se mêlant à l'appréhension, l'orphelin s'empressa de déposer à plat les documents, les lissant inutilement de ses mains. Ses yeux, froncés, se mirent à arpenter la feuille sur le dessus, se concentrant pour déchiffrer son contenu.

Kelly, à petits pas, s'approcha de l'épaule de son ami. Avait-elle le droit de lire le contenu des lettres, elle aussi ? Et si son contenu s'avérait privé ? La curiosité la rongeait avec force et, après quelques secondes, incapable de résister plus longtemps, elle posa les yeux sur le manuscrit.

"Ma chère Cynthia,"

La jeune fille sursauta. Qu'est-ce que le nom de la mère d'Alex faisait entre les mots adressés à sa soeur ? Frénétiquement, elle reprit sa lecture.

"Le jour où je t'ai rencontré, tu as chassé les nuages de mon coeur. Le deuil de ma petite soeur était encore très frais dans ma mémoire, et ton apparition dans ma vie a tout changé."

— Tout va bien, les enfants ?

La voix de Mireille, dans leur dos, fit sursauter les pupilles de la femme. Ils se retournèrent d'un même mouvement et Alex répondit un peu trop vite :

— Oui, tout va super bien ! On était juste en train... enfin, oui, tout va bien.

Sa mascarade ne berna pas une seule seconde la femme, qui haussa un sourcil inquisiteur. Cependant, elle ne répliqua rien et se contenta de rebrousser chemin.

— Je serai dans la cuisine, si vous avez besoin de moi.

Ils répondirent rapidement et, profitant de cette interruption, Kelly fixa son ami.

— Ce n'était pas censé être les lettres... pour ta soeur ?

Le garçon acquiesça distraitement en jetant un coup d'oeil au document.

— Et alors... tu veux vraiment lire ça ? Je ne sais pas, il me semble que c'est... privé.

— Peut-être, mais c'est à mes parents. J'ai le droit de savoir. De... d'en savoir un peu plus sur eux. Tu sais ce que ça fait, de ne pas avoir de réponses à ses questions. Pense à toutes ces fois où tu étais frustrée parce que les adultes ne voulaient rien te dire sur tes parents.

Ce lien fit culpabiliser la fillette, qui se retrouva immédiatement replongée dans ses questionnements. Elle ne savait toujours pas ce que ses parents avaient fait pour attirer la colère de leurs concitoyens. Mais elle avait pu avoir des noms, au moins. Laurie-Anne et Thomas. Des gens qu'elle ne connaissait pas et qui l'avaient créée. Ceux avec qui elle aurait dû passer toutes ces années écoulées depuis sa naissance

— C'est vrai, concéda-t-elle à voix basse. Tu as le droit de savoir.

Ainsi le garçon se remit-il immédiatement à sa lecture, vite imité par son amie. Les derniers mots qu'elle avait lus l'intriguaient, aussi saisit-elle sa seule chance d'en savoir plus sans hésiter et remit ses préoccupations concernant ses parents à plus tard.

"Je ne sais pas si j'aurais supporté le poids du deuil sans toi. Tu m'avais dit que Lila serait très bien dans l'au-delà. Tu m'avais dit que ce n'était qu'un au revoir. Ce jour-là, je t'ai crue. Parce que c'était tout ce à quoi je pouvais m'accrocher. 

Aujourd'hui, je vais rejoindre ma soeur dans l'au-delà. Et je veux te rappeler ces mots que tu m'as dit il y a des années. Ce n'est qu'un au revoir. Le ciel n'est pas si loin, tu sais ? Mon voyage sera paisible. Et n'oublie pas que je serai toujours près de toi. Dans ton coeur. Je serai toujours là par Alex, et notre petite Amélia qui viendra sous peu. Mon seul regret est de ne pas pouvoir la connaître. Mais je pars l'esprit tranquille. Je sais que tu seras une mère formidable, comme tu l'as été et l'es toujours avec notre Alex. Tu es la femme la plus merveilleuse qui soit. Ne l'oublie jamais.

Je ne sais pas quand tu trouveras ce message. Je te le laisse avec celui pour Amélia, pour que je sois certain que tu le découvres un jour. En ce moment, je dois sûrement déjà être loin. Je dois avoir retrouvé ma chère Lila. Et je dois veiller sur toi et les enfants. 

Écoute, ma chère, je sais que le deuil fait mal. Je suis le premier à le savoir. J'espère seulement que ce sacrifice te permettra de repousser cette envie contre-nature qui t'a saisie. Être une créature satanique n'est qu'une épreuve supplémentaire dans ta vie. C'est Dieu qui te l'envoie. Pour te tester, te mettre à l'épreuve, te pousser à mettre tes limites. J'ai foi en toi, mon amour. Je sais que tu arriveras à repousser cette pulsion maléfique qui t'as saisie. Et n'oublie jamais que ce n'est pas elle qui te définit. TU te définis. Tu décides de celle que tu veux être. Et si le meurtre ne fait pas partie de tes plans, résiste. Tu as toujours été la femme la plus forte que j'ai connue. Alors résiste. Continue à vivre, surtout. Ne laisse jamais une quelconque malédiction te dicter ta valeur. 

Passe une magnifique vie, Cynthia. Trouve ton bonheur, laisse-toi envahir par la joie. Prends soin des enfants, aussi, mais ça, je n'ai pas besoin de te le dire. On se retrouvera là-bas. Je t'y attendrai patiemment.

Surtout, ne gâche jamais ce qui t'anime. Tu vaux beaucoup plus que ça.

Avec tout mon amour,

Esteban."

Le trouble envahit Kelly en terminant sa lecture et un goût salé sur ses lèvres lui apprit qu'elle pleurait. Estaban avait perdu sa soeur, Lila, si elle comprenait bien la lettre, tout comme son fils. Leur fille se serait nommée Amélia. Et il était au courant que Cynthia était une créature satanique. Et malgré tout, il ne l'avait jamais dénoncée. Parce qu'il croyait en elle et en cette force qu'elle aurait pu avoir pour vaincre cette malédiction. Parce qu'il l'aimait.

Lorsqu'Alex se laissa tomber au sol, ses genoux cédant sous le poids de la tristesse, la fillette sut qu'il avait tout lu. Il savait tout ce que cette lettre contenait. Un sanglot lui écorcha violemment la gorge et il se replia contre lui-même, haletant. Sa souffrance était vive, peut-être autant qu'au premier jour sans son père. Ses blessures intérieures se rouvrirent et rien ne semblait pouvoir le consoler. Cette armure qu'il s'était construite venait de s'effriter sans préavis.

C'est à ce moment qu'elle le sut. Jamais il ne pourrait totalement guérir de cette blessure horrible. Cela faisait partie de lui, maintenant. Et c'était dangereux. Elle devait absolument le soutenir. Ou il pourrait être aveuglé par la souffrance et commettre des choses... à quoi il ne valait mieux pas penser.


Wooooow!!! Super partie à écrire, aujourd'hui. Je dois vous avouer que les 500 premiers mots, qui ont été écrits hier, ont été plus durs à trouver, à écrire et à travailler, mais il faut croire qu'aujourd'hui, ça allait mieux! J'ai écrit 1000 mots juste aujourd'hui , ce qui vous fait une partie de 1500 mots (1516 pour être plus précis.) J'espère vraiment que cette partie vous aura plu autant qu'à moi et que vous avez apprécié les retrouvailles avec Kelly et Alex après cette petite semaine. 

Sinon, j'ai un petit quelque chose à vous faire réaliser... J'ai tout mis ce que j'avais de Nouvelle Lune dans un Google Doc, pour pouvoir savoir combien de mots en tout comportait cette histoire. Et, dans ces 53 parties de Nouvelle Lune écrites depuis un an et trois mois, il y a... attention... 

70 685 mots, ce qui fait 283 pages !!!!! C'est un roman épais de 2 gros cm, ça!!!

C'est ma plus grosse histoire à vie, pour le moment ! Mon dernier roman, que j'ai écrit de mes 12 à mes 14 ans, environ, comporte 59 150 mots (et l'histoire était finie, Nouvelle Lune, elle... pas encore !!!) Et vous savez pourquoi l'histoire de Kelly a tant de mots, et en si peu de temps ? Parce que vous me motivez. Je suis pas mal une fille de parole, d'habitude, alors je me force à vous écrire minimum 1000 mots chaque semaine. Ça me motive beaucoup, et je vous en remercie ÉNORMÉMENT pour ça. Merci de me lire, de m'encourager dans ma passion... Je ne vous le dirai jamais assez, mais merci pour tout !

Bon, allez, fini l'émotion, je vous laisse retourner à votre quotidien. À la semaine prochaine !!

Et n'oubliez pas, restez positifs!!

Commentaires

  1. Et surtout Merci à toi, Mariane, de nous faire partager cette belle passion... 🥰

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  2. Bravo!!! Tu as raison, 70 685 mots, c'est pas rien! Continue ton beau travail!

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