Nouvelle Lune (partie 52)

 Après avoir été remis aux soins de Mireille, qui apprit que ses pupilles avaient découvert le cadavre de William, Alex et Kelly furent invités par la femme à se confier et, en voulant les aider de son mieux à surmonter cette épreuve, elle leur demanda si elle pouvait faire quelque chose pour eux, ce à quoi Alex répondit qu'il désirait se rendre chez lui pour récolter tout ce qu'il voulait amener et lire quelque chose d'une grande importance...

 Kelly, accompagnée d'Alex et Mireille, se retrouva durant la matinée devant la demeure de la famille de son meilleur ami. L'établissement, déserté depuis peu, reposait indifféremment sur la verdure. De l'extérieur, rien ne paraissait avoir changé. Les rideaux ouverts aux fenêtres laissaient les pièces au-dedans bénéficier des rayons du soleil, répandant une illusion de joie enfantine sur les murs. Par les carreaux, des pièces en ordre et bien rangées laissaient voir la minutie de Cynthia qui, de son vivant, avait fait de sa maison un endroit où il faisait bon vivre. Revenir ici, après tout ce qui s'était passé, laissait à Kelly un étrange sentiment de malaise. Tout, en cet endroit, rappelait durement la vie paisible qui s'était déroulée avant que ce drame ne s'abatte sur eux. Avant que Cynthia ne soit pendue. Chaque recoin semblait empreint de sa bonté et de sa naïveté la rendant si attachante, ce qui ne rendait que son absence plus difficile à supporter.

Près d'elle, Alex prit une grande inspiration et noua ses doigts aux siens. Il n'était pas revenu où il avait grandi depuis la mort de sa mère. La dernière fois où il avait mis les pieds dans l'habitation, Cynthia s'occupait toujours de lui. Était encore en vie. La fillette, en compressant la main de son meilleur ami qui tourna la tête dans sa direction, lui jeta un regard entendu. Puis, en acquiesçant d'un air résolu, elle l'encouragea à entrer.

Tout comme pour l'extérieur, rien, dans la résidence, ne laissait entrevoir tout ce que cet endroit avait perdu. La poussière ne s'était que très peu accumulée durant les deux jours suivant la pendaison de la propriétaire de l'endroit. Rien n'avait été déplacé et les pièces étaient bien rangées. Seul différait le silence. C'était un silence semblant n'attendre que des voix bienveillantes, des cris heureux d'enfants et des discussions ponctuées de rires. Ce qui ne le rendait que plus lourd. Cela créait un si grand vide que la fillette se sentit brutalement percutée. Elle avait joué en ce lieu des années durant. Il était en quelque sorte devenu son deuxième chez-soi. L'écho de tout ce qui s'y était passé semblait d'ailleurs toujours s'agripper aux murs meublés de jolis tableaux, en souvenir de tout ce qui ne serait plus jamais. 

Le meilleur ami de Kelly semblait tout aussi perturbé qu'elle. Dans ses yeux étaient visibles tous les souvenirs qui lui revenaient en mémoire. Un éclat de douleur s'installa soudainement dans son regard passant d'un élément à un autre et, peu à peu, ses yeux se remplirent de larmes. En gage de soutiens, la jeune fille enserra un peu plus ses doigts toujours noués aux siens. Pour lui rappeler qu'il n'était pas seul, peu importe l'épreuve qu'il devait franchir. Qu'il pourrait toujours compter sur elle. 

Le garçon tourna ses prunelles brillantes dans sa direction et la fillette y décela tant de gratitude et d'émotion qu'un profond désarroi la saisit. À son tour, les larmes commencèrent à s'accumuler. Elle aurait tant aimé aider Alex à supporter cette affreuse douleur qu'était le deuil. Et la triste, la dure réalité était qu'elle ne pouvait rien faire, mis à part être disponible pour lui lorsqu'il en ressentait le besoin.

Le jeune garçon rompit cet instant d'émoi en séchant ses larmes rapidement. Puis, il fit un pas. Un seul geste, qui, pourtant, débolqua tout le reste. Il se mit à avancer résolument en se dirigeant vers l'escalier menant à sa chambre et en gravit les marches une à une. 

Immobiles, Kelly et Mireille se jetèrent un coup d'oeil. La fillette mourait d'envie de se rendre à la suite de son ami, mais le doute la retenait. Cependant, un signe de tête encourageant de sa grand-mère suffit à la faire bouger. Elle s'élança à la suite d'Alex au pas de course et, lorsqu'elle le rejoignit, celui-ci était figé devant la première porte de l'étage. La chambre de ses parents. 

Son regard était fixé sur la pièce, seulement visible en partie à cause de la porte entrouverte. Un grand lit secondé de deux tables de chevet était visible. Le mur, d'un beige pâle, était joliment agrémenté de cadres représentant une famille heureuse, libre de tous soucis.

Kelly n'avait pratiquement jamais vu cette pièce, malgré ses fréquentes visites chez son ami. La porte était la majorité du temps close et, les rares fois où ce n'était pas le cas, elle ne s'attardait pas sur les détails la composant et ne se contentait que de s'empresser de gagner la chambre de son ami pour y jouer en compagnie de ce dernier. Cela devait être l'une des premières fois qu'elle s'attardait autant à ce qui meublait cette division percée d'une grande fenêtre. Alex devait sans doute s'être réfugié de nombreuses fois dans cette petite salle, la nuit, suite à un cauchemar. Sans doute avait-il passé de nombreuses matinées dans la joie, ici. Il devait avoir passé tant de beaux moments en compagnie des ses parents en ce lieu maintenant destiné à être vide à tout jamais.

Sans un mot, désirant garder son ami loin de potentielles idées noires, la fillette saisit avec douceur sa main et l'entraîna vers sa chambre. Le garçon se laissa faire sans résister, le bras mou, et ne lâcha pas des yeux la porte avant d'arriver dans sa chambre. À ce moment, son regard reprit en lucidité et, en clignant à répétition des paupières, il jeta un regard à son amie.

— Je... désolé, bégaya-t-il en baissant les yeux. Je sais que je ne devrais pas repenser à tout ça, mais... je n'arrive pas à oublier. Revenir ici sans maman et papa me fait... tout drôle.

— Ne t'en fais pas. Je sais... enfin, je peux bien imaginer ce que ça doit faire. 

La fillette, navrée, secoua la tête.  

— Ce n'est pas grave, clarifia le garçon. Tu n'as pas besoin de comprendre. J'avais juste besoin de, tu sais, faire sortir ce que j'avais en-dedans de moi. Ce n'était pas pour que tu me prennes en pitié, ou quoi que ce soit. Non, vraiment... c'était juste pour moi.

Lentement, Kelly hocha la tête. Puis, d'un coup, son ami défit son emprise et se dirigea droit sur un de ses tiroirs. À la hâte, il saisit quelques objets, comme s'il était soudainement pressé de repartir et d'en finir avec tous ces souvenirs le faisant souffrir. Mais, au fur et à mesure que ses mains se remplissaient, sa cadence ralentissait et chaque accessoire ajouté à sa pile le faisait ressasser toujours plus de souvenirs. Derrière ses iris vitreux semblaient se jouer des scènes inconnues à un public extérieur le faisant toutes plus durement prendre conscience de l'absence de ses parents. Qu'ils étaient partis, et pour toujours. Cependant, à aucun moment il ne se laissa totalement submerger par la nostalgie. Il continua à saisir un à un ses précieuses possessions sans se détourner de son objectif. 

— C'est la figurine que papa m'avait sculptée pour mon anniversaire, dit alors l'enfant en saisissant un chevalier de bois magnifiquement travaillé. Pour mes six ans. Il m'avait dit que j'étais assez grand pour commencer à devenir le chevalier que j'étais destiné à devenir. Il me l'a fait pour... que je me rappelle pour toujours que le bien l'emporte toujours et que... il n'est jamais trop tard pour être courageux. 

Ces paroles résonnèrent avec une puissance infinie en Kelly. Les vertus associés à cette statuette étaient tellement en lien avec ce qu'ils vivaient présentement que le destin lui-même semblait avoir mis les choses en place pour que ce cadeau soit trouvé à ce moment précis. C'était un gage d'espoir, et la pupille de Mireille ne put s'empêcher d'y voir un signe prochain d'un retour à la normale. 

— Enfin, trancha l'orphelin en secouant la tête. Je... on reviendra plus tard à ma chambre. (il déposa avec précaution ce qu'il avait accumulé dans ses bras sur le sol.) Pour l'instant, je dois aller voir le plus important. Je pensais que d'aller à ma chambre avant, ça serait mieux, mais là, j'ai l'impresssion... que c'est le moment.

Alex, la détermination émanant de toute sa personne, marcha hors de sa chambre pour descendre les escaliers. Après un moment, s'attardant un instant dans la chambre où elle avait tant joué, la fillette le suivit et le rattrapa au pas de course. 

Au rez-de-chaussée, elle fut entraînée par son ami dans une pièce en retrait où, selon ses souvenirs, logeait le bureau d'Esteban où le fils du propriétaire se dirigea sans se laisser distraire. 

— Alex? l'interrompit-elle en lui saisissant le bras. Qu'est-ce qui est si important ici?

Un silence s'installa soudainement durant lequel son ami sembla sous-peser s'il pouvait lui révéler ce qui lui tenait tant à coeur pour finir, enfin, par ouvrir la bouche.

— Les lettres de papa pour ma petite soeur, laissa-t-il tomber.

Comme promis, voilà la partie 52 samedi! Par contre, je n'ai pas été aussi productive que je l'escomptait pendant ma relâche et je viens tout juste de terminer cette partie... Donc je ne sais pas si la prochaine partie va être samedi, malheureusement, vu que je n'ai pas d'avance. Mais j'ai été productive d'une autre manière! J'ai été prise d'une grande envie d'écrire plus régulièrement, alors j'ai commencé à me faire un plan pour écrire une toute nouvelle histoire!! Pas vraiment pour ce blog, mais peut-être qu'après la fin de Nouvelle Lune, je vous en posterai des extraits ici! Sinon, petit changement de photo de profil cette semaine qui, je trouve, me représente beaucoup plus! C'est pour ça que la photo du lien a changé aussi cette semaine (et celles à venir!) Alors voilà pour cette semaine, j'espère que vous avez apprécié!

Et n'oubliez pas, restez positifs!