Nouvelle Lune (partie 50)

 Alors qu'Alex venait de se faire officiellement adopter par la famille de Kelly, il vécut sa première soirée en tant que fils adoptif de Nicolas et Mireille dans la joie...

Nicolas n'avait pas perdu de temps : dès le lendemain, il s'était levé aux petites heures afin d'engager des hommes dans le but de poursuivre la construction du cimetière du hameau qui avait été délaissée depuis trop longtemps déjà. Aussi, lorsque Mireille se leva et leur annonça cela, Alex et Kelly décidèrent aussitôt de se rendre sur place pour suivre la progression des travaux déjà bien amorcés. En leur servit un déjeuner modeste, leur tutrice déclara d'une voix chantante :

― Aujourd'hui ne peut être qu'une bonne journée, les enfants, parce que c'est la première complète avec Alex dans notre famille !

Enchantés par cette réflexion, les pupilles de la vieille femme se dévisagèrent munis d'un grand sourire et approuvèrent simultanément l'idée de cette dernière. 

Dès qu'ils furent convenables et prêts à se rendre sur le chantier, Alex pressa Kelly à sortir pour se déplacer vers leur destination, ce à quoi la fillette répondit avec bonne humeur. 

Dehors, de petits oiseaux gazouillaient dans les hautes branches d'un arbre dont le feuillage se teintait avec dignité de couleurs chaudes, rappelant inévitablement que l'hiver ne tarderait pas à s'installer malgré le drame qui se déroulait dans leur hameau depuis la dernière nouvelle lune. Le soleil, toujours relativement près de l'horizon, laissait entrevoir ses chauds rayons au travers des quelques nuages qui circulaient librement dans le ciel. 

En observant tous ces détails dépourvus d'importance, Kelly se sentit emplie d'une gratitude envers tous ces moments qui faisaient la beauté de la vie. Les petites anecdotes qui restaient imprégnées dans sa conscience et qui, en y repensant, réussissaient à la faire sourire. Celles qui parvenaient à chasser les nuages passagers de sa vie. Les balades à respirer l'air frais en soupirant d'aise. 

En jetant un coup d'oeil à Alex qui s'élançait déjà vers le centre du hameau, elle l'arrêta.

― Attends ! J'ai envie de prendre un autre chemin, pour aujourd'hui. Tu sais, celui où on passe près de plein d'arbres ? C'est un peu plus long, mais je pense que ça serait plus agréable.

Son ami s'arrêta, surpris, puis haussa les épaules en accédant à sa demande. La fillette laissa alors s'épanouir sur son visage la joie, qui l'habitait depuis le matin sans raison apparente, et emprunta le chemin de terre menant vers l'extrémité de Thiercelieux. 

En arrivant sur la route qu'elle désirait suivre, la jeune fille, tout en discutant activement avec son frère d'adoption, laissa son regard se perdre dans le branchage s'agitant paresseusement sous l'effet du vent où avaient trouvé refuge de petits chanteurs à plume. Leur mélodie agrémentée du vent et des pas des marcheurs laissait avec humilité place aux voix de ces derniers. Après un moment, cependant, ceux-ci se turent, laissant entièrement place à ces sons subtils. Kelly, se laissant totalement absorber par la quiétude du moment, échappa un soupir de bien-être. 

― Tu ne trouves pas que la nature semble...

Elle retint un hoquet d'horreur au détour du chemin, interrompant brusquement sa phrase. Ses yeux s'arrondirent et un noeud se forma dans sa gorge juste avant que son meilleur ami ne tente de voiler sa vue de ses mains. Mais il était trop tard. Elle avait vu. L'image s'accrocha à son esprit, en prit possession. 

Devant sa demeure, inanimé, gisait William, un petit sanglier penché sur lui. Sa poitrine, lacérée, était léchée par des lambeaux de tissu maculés d'un sang d'un rouge profond. Au niveau de son coeur se découpait un trou béant, comme si la proie de son agresseur était cet organe vital. Sa gorge et son visage étaient encore en pire état. Des os et des pointes de cartilage saillaient de la gorge de l'homme, arrachés à leur place d'origine avec une violence non contenue. Les joues de la victime étaient percées à maintes places, ne laissant que des lambeaux de chair tenter de couvrir un minimum une bouche bordée de lèvres maintenant inexistantes. Ses yeux, loin d'être épargnés, étaient résorbés, ne laissant apercevoir qu'un liquide grisâtre dans la cavité creuse du crâne.

Kelly, tremblante, repoussa avec la plus grande des précautions la main d'Alex de ses yeux et contempla son ami qui, sa lèvre inférieure tremblante, semblait incapable de détacher son regard du cadavre. Le moment où elle avait vu le corps de Fred repassa alors dans son esprit et elle ne put s'empêcher de comparer les deux scènes. La jeune fille devait cependant avouer que la première victime qu'elle avait vu était dans un bien pire état que William. Était-ce bon signe ? Cela pouvait-il signifier... quelque chose ?

Écoeurée par le bruit de succion produisant l'animal se nourrissant à même le corps de l'un des leurs, la fillette se mit à faire de grands gestes pour le faire fuir et, ainsi, donner au père de Florence un minimum de respect. En couinant, la bête s'éloigna face à ses mimiques colériques.

La fillette laissa s'écouler un moment avant de, prudemment, s'approcher de la carcasse. Elle ne savait pas ce qui la poussait à s'avancer encore davantage, mais, curieusement, il lui semblait important, en tant que premier témoin de cette scène, de pouvoir la décrire correctement. 

Les détails se présentant à elle toujours plus précisément lors de son avancée firent monter une nausée insistante à Kelly. Mais le comble fut lorsqu'elle aperçut un coeur humain, en lambeaux, juxtaposé au corps de la victime. Incapable d'en voir plus, la pupille du maire tourna les talons et se précipita vers son ami, le coeur au bord des lèvres.

― On doit aller prévenir quelqu'un, parvint-elle par miracle à souffler.

La fillette ne reçut qu'un léger hochement de tête de la part de l'orphelin, la minimalité de ce geste ne laissant aucun doute quant à l'état de choc dans lequel il se trouvait. Il était vrai, cependant, qu'il n'avait jamais pu voir la violence pure se reflétant dans le corps des victimes des créatures sataniques, contrairement à elle.

Comme ils étaient plus près du centre du hameau que de leur demeure, les enfants, main dans la main, rebroussèrent chemin et coururent sans parvenir à échapper une seule larme pour emprunter un embranchement jusqu'à l'endroit où ils pourraient trouver de l'aide, le corps n'ayant manifestement toujours pas été découvert. Aucune parole ne fut échangée pendant les quelques minutes de course qu'ils subirent, chacun de leurs esprits butant sur l'image qui leur avait été présentée sans préavis. C'était le troisième corps que Kelly voyait. Le troisième de trop. Soudain, comparé à cette mort horrifique, être pendu ne semblait pas si atroce. La fillette se surprit même à penser qu'elle préférerait sans doute perdre la vie au bout d'une corde que de cette façon si inhumaine. 

Lorsqu'il aperçut enfin les travailleurs s'affairant dans une bonne humeur illusoire, Alex s'arrêta net, freinant sa meilleure amie par le fait même. Cette dernière, n'ayant pas la force de regarder derrière elle pour discerner la raison de cet interruption soudaine, en proie au désespoir, chercha frénétiquement des yeux quelqu'un apte à la remarquer, à la comprendre, à la sauver...

― Grand-père ! s'entendit-elle crier au milieu de tous les actes de sympathie qu'échangeaient les hommes au travail.

Son appel sembla porter, car certains interrompirent leurs discussions et portèrent un regard curieux dans sa direction. Mais ce n'était pas d'eux dont elle avait besoin. Elle le réalisa brutalement. Elle avait besoin de lui. D'une forme de réconfort qu'elle pourrait croire sans hésitation.

De bouche à oreille, son appel finit par être transmis à son tuteur qui, se faisant interpeller par un des travailleurs, tourna la tête dans sa direction. Son visage se décomposa aussitôt en l'apercevant et il accourut dans sa direction. Sans doute devait-elle être blême et refléter un état d'âme inhabituel pour qu'il réagisse si vite. 

― Kelly ? fit-il en arrivant à sa hauteur. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Enfin, les sanglots vinrent nouer sa gorge. Elle poussa un long gémissement et, se défaisant de la poigne d'Alex, tomba dans les bras de son grand-père en pleurant abondamment. Les larmes ruisselaient sur ses joues et, paniqué par son état, Nicolas la suppliait de lui expliquer ce qui la mettait dans cet état.

― William, hoqueta-t-elle entre deux sanglots. C'est... il est... mort !

Elle poussa le dernier mot dans une souffrance poignante, l'exhibant sans aucune douceur. Mais cela lui aurait été impossible. Elle n'en avait pas la force. 

― Où ? 

Ce petit mot, utilisé ainsi, laissait percevoir l'urgence de la situation. 

― Chez lui, sanglota Kelly.

Le maire envoya aussitôt ses collègues à l'endroit où le corps avait été découvert, demeurant avec ses protégés.

― Ne vous en faites pas, les enfants. Ce sera bientôt fini, promit l'homme.

Mais, même malgré son âge la désavantageant plus souvent que nécéssaire, Kelly savait que ce n'était qu'espérance. La vérité, la vraie, était beaucoup plus cruelle. 

Bonne cinquantième partie !!! On vient de passer une étape importante ! Il s'est d'ailleurs trop passé de choses ces deux dernières semaines, et j'ai pas le choix de tout dire ici. 😂

Tout d'abord, on a passé la semaine dernière le cap des 2000 visites sur mon blog !! C'est beaucoup, quand on y pense ! 2008 personnes exactement (pas différentes, mais quand même) qui ont cliqué sur le lien de mon petit blog ou qui l'ont écrit ! Merci énormément à vous tous, vous êtes géniaux !! 

Ensuite, samedi dernier, j'ai eu, sur wattpad (MarianePoudrier, si vous voulez mon compte!), mes premiers lecteurs que je ne connais pas ! Il y a des inconnus qui ont lu Les Intemporels même pas parce qu'ils avaient un lien avec moi mais parce qu'ils avaient envie de lire CETTE histoire parmi le petit milliard qu'il y a sur l'application ! Je n'en reviens pas !

Sinon, j'ai commencé à regarder pour trouver un(e) illustrateur(ice) qui pourrait faire la couverture de Nouvelle Lune, que je prévois mettre en ligne sur wattpad lorsqu'elle sera terminée, et je suis tombée sur plusieurs bons dessinateurs qui proposaient leurs services ! Je vais donc très sûrement en contacter un lorsque Nouvelle Lune tirera à sa fin et je vous montrerai le produit final de son travail ici, évidemment, quand ce sera fait !

Voilà, c'était mon "petit" message de fin ! J'espère que vous avez aimé cette partie plus sanglante et je vous dis dès maintenant :

Et n'oubliez pas, restez positifs !