Nouvelle Lune (partie 23)
Horrifiée par la vision de Louis pendu, Kelly s'enfuit au profit de la discrétion et, aperçue par Solange, se fit réconforter par celle-ci. Elle en ressortit plus déterminée encore à identifier les créatures sataniques, et coûte que coûte...
La nuit avait passée sans que personne n'ose s'aventurer devant la fenêtre de Kelly, qui se retrouva au lever du soleil sans information supplémentaire pour son enquête. Elle aurait cependant bien aimé pouvoir lancer Solange sur une piste qu'elle seule était en mesure de confirmer ou, au contraire, d'infirmer. Elle se lança donc dans sa routine avec une moue songeuse sur le visage, curieuse et craintive à la fois de voir qui serait décédé cette nuit. Sans doute pas quelqu'un habitant dans les environs de sa demeure, puisqu'elle n'avait perçu aucun mouvement à l'extérieur la nuit précédente. Ses pensées erraient sans but sans que ni Mireille, ni Nicolas, ne les interrompent dans leur course folle.
Ce qui la sortit de sa léthargie, une heure plus tard, fut l'entrée en trombe de Florence, qui paraissait encore plus paniquée qu'à l'habitude. Aussitôt, la fillette s'arma de la concentration la plus totale.
― Qui, cette fois? demanda aussitôt Nicolas.
Lui aussi avait associé l'adolescente à celle qui annonçait à tout Thiercelieux qui avait perdu la vie par l'action des créatures sataniques.
― Solange.
Le monde se mit aussitôt à vaciller autour de Kelly. Solange était morte. Leur médecin était morte. Son alliée était morte. C'était insensé! Tout simplement insensé! Solange ne pouvait pas être morte! Elle ne le pouvait pas! C'était encore plus irrationnel que le meurtre de la vieille Louise! Solange était une force si calme, forte de nature et rassurante qu'elle semblait immortelle. Elle ne pouvait pas être morte! Non!
Pourtant, la logique était bien présente. Solange s'était très exposée lors de son annonce lors du Conseil concernant la criminalité de Louis. Elle avait refusé de répondre aux questions concernant la manière dont elle s'y était prise pour obtenir ces informations, ce qui couvait sans équivoque une force plus grande qu'elle, surtout de la manière dont elle l'avait expliqué. Les deux créatures sataniques restantes avaient dû se sentir menacées, et le seul moyen de s'assurer que la sage-femme ne perçait pas à jour leur identité était de la tuer. C'était aussi simple qu'efficace. Elle avait trop pris de risques, et elle avait payé pour.
Les mots se mirent à se brouiller et à perdre leur sens autour d'elle alors que sa vision se voilait de larmes. Thiercelieux avait perdu son plus grand atout. Pourquoi n'avait-elle pas annoncé elle-même que Louis était une créature satanique? Elle était bien moins essentielle que Solange! Elle aurait dû prendre les rênes du Conseil, afin de ne pas mettre la sage-femme en danger. Sa vie, à elle, ne comptait pas tant que cela, en fait. Son "don", comme Solange l'avait autrefois appelé, n'était que de rester éveillée toute la nuit. Rien d'essentiel dans cela! Et à présent, celle qui avait sauvé tant de vies n'était plus. Elle n'avait pas pu se sauver elle-même. C'était atroce.
Incapable de rester plus longtemps sur place, le poids étouffant de la culpabilité pesant sur elle, Kelly se sauva en courant jusqu'à sa chambre, où elle versa de grosses larmes tout en se demandant pourquoi il avait fallu que Solange meurt. Elles n'avaient même pas eu une seule rencontre!
La fillette tournait encore et encore le moment où elle avait fait l'alliance avec la médecin, alors persuadée que rien ne pourrait plus les empêcher de trouver toutes les créatures sataniques et de les exécuter, pour ensuite retrouver leur vie d'avant, où personne ne mourait pendant les nuits, et encore moins sous le poids d'un vote.
On cogna alors doucement à sa porte de chambre, mais elle n'avait pas l'énergie de répondre et encore moins d'aller ouvrir. Son seul moyen de faire comprendre qu'elle avait bel et bien besoin du soutien de la personne l'autre côté de la porte était d'intensifier encore un peu ses sanglots.
La technique fonctionna et Mireille apparut dans l'embrasure en demandant à sa petite-fille si elle voulait qu'elle demeure à ses côtés. Sa réponse fut un hochement de tête vigoureux où se mêlaient désespoir et effondrement. Des pas résonnant contre le sol s’approchèrent alors de la jeune fille et elle sentit sa tête doucement se faire soulever par une main délicate. Lorsqu'elle reposa contre la cuisse de sa grand-mère, mouillant son pantalon de ses larmes, la même main lui caressa doucement les cheveux, dans la plus grande des tendresses. Et Mireille se mit à chanter.
Elle n'avait jamais réellement chanté devant sa petite-fille, et presque tous les moments où elle avait entendu fredonner sa tutrice se résumaient à des moment volés, où, dès qu'elle arrivait dans la pièce, elle se taisait. Sa voix était pourtant d'une infinie justesse et les fausses notes se faisaient rares. Bien qu'usée par le temps, son chant était très agréable à écouter et, peu à peu, les larmes cessèrent, apaisées, et elle put se concentrer sur la chanson.
Celle-ci parlait d'un homme qui avait vaincu ciel et terre, avait laissé de ses hommes derrière lui pour poursuivre sa route, avait vu son corps en proie à de grandes blessures pour retrouver sa bien-aimée et qui, une fois revenu chez lui, trouva celle qui faisait battre son cœur sans aucun sentiment pour lui. Dès lors, il avait flanché et tout abandonné devant l'ampleur de ces sentiments non-réciproques. Le chant priait cet homme de se relever, refrain après refrain, de ne pas abandonner, et que même si, d'apparence, les épreuves physiques étaient les pires, il n'en était rien et que chaque homme trouverait un jour en son cœur l'acceptation du deuil qui s'avérait l'une des pires épreuves d'une vie et que la paix reviendrait.
Lorsque la dernière note retentit, Kelly se retourna vers sa grand-mère et sécha ses larmes du revers de sa main.
― Solange m'avait demandé de chanter ça pour toi, si elle venait à mourir, dit la vieille femme, le regard dans le lointain. Elle voulait que tu continues de te battre, coûte que coûte, car tu étais d'une importance capitale pour la suite des choses. Pour la paix. Elle semblait être au courant que sa vie se terminerait prématurément, qu'elle nous quitterait dans l'une des sombres périodes de cette année. Mais malgré tout, elle était déterminée. Elle m'a aussi demandé de te dire que tu devais absolument continuer tes efforts pour trouver les créatures sataniques et ne rien abandonner. Que tu devais continuer de vivre.
La fillette renifla encore une fois et tourna ses yeux en direction de celle qui l'avait élevée.
― Et toi, tu en penses quoi, de ça?
Un sourire triste se peignit sur les traits de la femme qui haussa les épaules.
― Tu possèdes quelque chose de plus grand que toi, Kelly. De plus grand que nous tous. Et la moindre des choses que je peux faire pour aider Thiercelieux, c'est de te laisser l'utiliser. Je veux seulement que tu ne prennes pas trop de risques. Tiens-toi à ta fenêtre sans que personne ne soit au courant et dès que tu découvres une créature satanique, fais-en part à moi ou à Nicolas. Tu as tant à vivre, tu ne peux pas mettre ta vie en danger à cause de ce don.
― Mais si tu le dis devant tout le monde, tu vas mourir toi aussi, grand-mère! Mais tu ne peux pas mourir!
― J'y suis prête. Et puis, cela sera comme Solange : j'aurai eu une raison de mourir. Une raison noble. La mort me prendra dans quelques années, de toute façon. Alors autant servir cette précieuse cause.
Les yeux de Kelly se remplirent d'eau. Sa tutrice parlait d'un ton détaché, comme si rien ne pouvait l'affecter, mais elle voyait bien que derrière cette désinvolture se cachait une profonde peur.
Nicolas ouvrit la porte, brisant ce moment particulier d'intimité, et parut gêné devant les regards remplis d'émotions des deux femmes de sa vie. Après s'être excusé, il annonça :
― Florence est venue dire que son père voulait tous les bras disponibles pour détruire la maison de Louis. Je lui ai dit que nous irions, Mireille, le plus vite possible. Nous ferons ensuite un cimetière à cet endroit, comme Louis le voulait. Si tout se passe bien, nous pourrons enterrer tous les morts dès la semaine prochaine.
Kelly ne s'était jamais questionnée sur le lieu où on entreposait les corps en attendant de créer ce cimetière, le premier du hameau puisque toutes les personnes décédées auparavant étaient enterrées en ville. Cependant, avec cette situation exceptionnelle, le nombre de dépouilles aurait coûté trop cher à envoyer et aurait alerté les personnes de la ville, qui ne devaient pas se mêler à cela.
Mireille hocha la tête pour confirmer son assentiment et son mari referma la porte.
― Je vais te laisser, ma chouette. Nous allons aller aider pour la maison de Louis.
La fillette donna son accord et elle se retrouva seule dans sa chambre, avec ses pensées.
Fred. Esteban. Solange. Ils seraient enterrés prochainement. Ils seraient donc définitivement partis, alors. Plus rien ne pourrait nier cela. Chaque jour, au centre du hameau, elle passerait devant leur tombe qui lui rappelleraient durement la perte de ces trois êtes chers. Le supporterait-elle? Sinon, elle ferait un détour. Du moins au début. Et lorsque leur absence serait trop dure à supporter, elle se rendrait à leur tombe pour se sentir un peu moins seule, les sentir un peu plus près d'elle.
Et en attendant, il ne lui restait plus, épaulée d'Alex, de ses tuteurs et de tous ceux qui lui étaient chers, qu'à patienter. Et à profiter de chaque moment en leur compagnie. Avant qu'ils ne se retrouvent à leur tour dans ce futur cimetière.
Bonjour bonjour! Je suis ici pour vous annoncer à vous, mes très chers lecteurs, que demain (à moins que je ne l'oublie 😅) sortira un article un peu spécial, qui n'aura aucun lien avec Nouvelle Lune. En fait, c'est qu'en français, j'avais une "nouvelle fantastique" à écrire, et je suis tellement contente du résultat final que j'ai décidé de vous la partager. Ne soyez pas surpris, la fin finit mal (ça fait partie du genre fantastique, avec des esprits et des choses surnaturelles). Mais voilà et j'ai eu un beau 100% pour ça donc j'étais bien fière. Alors demain, soyez au rendez-vous, ça ne sera pas annoncé sur Facebook. Donc voilà, c'est un petit extra de ma part. J'espère que vous avez aimé cette partie, même s'il ne s'y passe pas grand-chose, et je vous dit :
Et n'oubliez pas, restez positifs!
Wow !!! Félicitations Mariane !!! 100% en écriture, c'est très rare. J'ai bien hâte de lire ça. Bravo 🥰
RépondreSupprimerMerci!!!
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