Nouvelle Lune (partie 8)
Kelly avait été catastrophée de voir qu'Esteban serait la première victime de ce cocus. Elle ne savait pas quelles accusations pesaient sur le père de son meilleur ami, mais elle était certaine qu'il était innocent. Il ne pouvait pas en être autrement que cela. Elle était certaine que dès que l'homme au cœur pur ne serait plus de ce monde, tous les habitants du hameau regretteraient amèrement leur choix. Esteban avait un cœur propre de tout méfait, cela, elle en était convaincue. Elle ne comprenait d'ailleurs pas comment toutes ces personnes, qui le connaissaient pourtant depuis longtemps, pouvaient croire qu'il était l'un des responsables des morts de Fred et Driss. La jeune fille était certaine que même si les forces du mal l'auraient choisi pour être l'une des créatures sataniques, Esteban aurait repoussé avec ardeur cette force jusqu'à ce qu'elle se choisisse une autre personne. Cela ne pouvait qu'en être ainsi.
Louis, le maire du village, avait annoncé au condamné qu'il avait jusqu'au soir, à vingt heures, pour faire ses adieux, sous sa surveillance. C'était donc le cœur brisé que la famille d'Alex ainsi que la meilleure amie de celui-ci avaient quitté la réunion. Cynthia et son fils, qui était revenu naturellement vers ses parents, étaient en pleurs, mais l'homme qu'ils s'apprêtaient de perdre semblait vouloir que ses confrères gardent de lui l'image d'un individu à toute épreuve, car il ne versait pas une seule larme et gardait fière allure.
Le petit rassemblement se dispersa assez rapidement, tous la mort dans l'âme. Avaient-ils fait le bon choix? Esteban était-il innocent? Et s'ils avaient aidé les créatures sataniques au lieu de leur nuire? Maintenant qu'un choix avait été pris, le doute s'emparait de tous les esprits.
Kelly partit vers chez elle avec sa main dans celle de Mireille. Dans un premier but, elle avait voulu aller voir Alex pour lui apporter son soutien, mais ses aînés lui avaient fait oublier cette idée en lui faisant comprendre que le jeune garçon devait passer les derniers moments de son père avec celui-ci. Elle avait donc abandonné à contrecœur cette idée en pensant sans arrêt à son ami qui pleurait assurément à chaudes larmes. Elle avait tant de peine pour lui! Et Esteban qui avait été accusé à tort! Tout cela était bien injuste! Bien idiot, même! La jeune fille comprenait bien que s'ils ne faisaient rien, le hameau allait à sa perte, mais tout de même, ne pouvait-on pas trouver une solution qui ne priverait pas quelqu'un chaque jour d'une personne qu'il chérissait?
Encore une fois, la fillette se demanda pour quelle raison c'était son hameau à elle qui devait subir ces forces surnaturelles et qui lui faisaient perdre toutes ces personnes qu'elle aimait, l'une après l'autre. Sa jeune vie était en train de prendre une tournure tout à fait dramatique.
Une fois à la maison, la jeune fille et ses tuteurs s'assirent tous à table. L'esprit troublé, tous étaient perdus dans leurs pensées et gardaient le silence. Ils restèrent ainsi un long moment avant que Nicolas ne se lève brutalement, faisant sursauter son épouse et sa protégée. Sans prononcer une parole, il sortit de la maison. S'ensuivit alors un long regard entre la dame et Kelly.
― Que penses-tu de l'idée du maire? demanda la plus vieille d'elles.
― Heu... je... je ne sais pas trop... mais... la rencontre d'aujourd'hui a été affreuse!
La gorge nouée, Kelly éclata en sanglots. La sanction d'Esteban était si injuste! Et pourquoi lui, aussi? Encore une fois, la jeune fille se demanda quelles accusations pesaient donc sur le père de son meilleur ami qui avaient réussi à l'incriminer. Soudain, elle regrettait amèrement son inattention lors du débat.
Solidaire, Mireille se leva de sa chaise et vint enlacer sa pupille agitée de soubresauts.
― C'est tellement injuste, grand-mère! hoqueta la fillette. Esteban n'avait rien fait!
Les larmes qu'elle avait retenues pour formuler sa phrase ne purent plus être contenues et furent expulsées.
Tout en lui caressant le dos de façon apaisante, la femme tenta de lui expliquer que les faits étaient contre le jeune homme et que plusieurs choses portaient à croire qu'il était responsable des meurtres des deux adultes.
― Mais! Grand-mère! Esteban n'est pas quelqu'un de mauvais! Il est tellement gentil!
― Je sais, trésor. Mais Thiercelieux en a décidé autrement, et maintenant, son sort est scellé. On ne peut malheureusement plus rien faire pour lui.
Cette affirmation fit redoubler les pleurs de Kelly, et sa grand-mère commença à avoir elle-même les yeux embués malgré tous les efforts qu'elle faisait pour garder son sang-froid face à sa protégée.
La journée passa trop vite pour Kelly. Chaque seconde qui passait la rapprochait de la mort du père d'Alex, et donc du chagrin sans nom qui serait sans contesté celui de son fils et de sa femme. De plus, elle s'était fermement fait interdire de voir Alex, pour laisser tout le temps qu'il lui restait à passer avec son père à celui-ci. Elle s'était donc conformée à ce règlement et, malgré son envie que la journée se finisse pour aller voir son ami, elle aurait voulu que chaque seconde qui passait s'écoule au ralenti, car, à la fin de la journée, elle retrouverait un Alex détruit et anéanti.
À l'heure du souper, la petite famille se retrouva autour d'un souper en silence. L'absence de bruit était loin d'être légère et semblait ajouter à la pression que chacun faisait sienne. Deux heures. Il restait deux heures avant que Thiercelieux pende la première personne de toute son histoire. Ils allaient pendre, faire mourir l'un de ses habitants. Cette perspective était d'une atrocité telle que personne n'avait de mot pour l'exprimer.
La petite-fille de Nicolas ne goûtait pas du tout son repas tant elle était perdue dans ses pensées et dans sa tristesse pour Alex. Elle n'arrêtait pas d'imaginer à quel point le garçon devait avoir de la peine en songeant à sa propre peine si l'un de ses grand-parents, qu'elle aimait inconditionnellement, était jugé coupable et devait mourir. Elle avait l'impression qu'elle n'y survivrait pas.
Il était enfin dix-neuf heures trente, l'heure à laquelle tout le village était convenu de se rassembler pour dire leurs derniers adieux à Esteban. La famille de Kelly se rendait près de la maison du maire le cœur en miettes. Esteban n'était pas encore arrivé avec sa famille, mais ils ne tarderaient sans doute pas. En attendant, les habitants discutaient entre eux.
L'arrivée du condamné se fit ébruiter à une vitesse phénoménale et la petite famille se retrouva encerclée à la même vitesse. Tous voulaient dire un dernier adieu à un homme qui avait vécu une vie droite et qui, maintenant, serait retranché à la place des souvenirs. Plusieurs pleuraient, s'excusaient de tout ce qu'ils auraient pu faire de mal envers lui au cours de leur vie et l'enlaçaient une dernière fois. La petite foule était si opaque que Kelly ne parvenait pas à voir son ami. Elle se plaça donc derrière l'attroupement avec ses tuteurs pour attendre son tour pour manifester son soutien auprès de son ami ainsi que saluer une dernière fois le père de ce dernier.
Quand elle parvint à la famille de celui portant la lourde sanction, la fillette remarqua à quel point ceux-ci avaient les yeux rouges et bouffis ainsi que le teint blême. Elle sentit, à la vue de ces êtres chers qui avaient toujours été si bons avec elle, les larmes lui monter aux yeux. D'une certaine manière, Esteban était presque un second tuteur pour elle. Et maintenant, elle s’apprêtait à le perdre tout bêtement.
Une larme sillonna sa joue. Naturellement, celle-ci en entraîna d'autres. Encore plus sensible que d'habitude, Cynthia se retrouva à l'imiter et, sans qu'une seule parole ne soit prononcée, à s'accroupir et l'enlacer. Tout cela se passa dans un silence absolu, rendant la scène encore plus émouvante.
Les quelques secondes où Cynthia resta collée à elle furent les plus touchantes de la courte vie de l'enfant. Lorsqu'elle se retrouva, finalement, loin de la femme enceinte, Kelly sécha ses larmes et dévisagea celui qui trouverait la mort dans moins de dix minutes, qui parlait calmement avec Mireille et Nicolas. Elle attendit que ceux-ci terminent leur phrase avant de l'apostropher et que celui-ci lui donne son attention :
― Esteban? Je voulais juste te dire que je t'aime beaucoup... et que... et que...
Sa gorge nouée l'empêcha de continuer. En sentant son trouble, l'homme s'accroupit et, comme sa femme quelques secondes plus tôt, l'étreignit tendrement. L'enfant se retrouva encore face aux larmes. Au fond d'elle, elle savait beaucoup trop profondément que c'était le dernier moment qu'elle passerait avec Esteban, aussi s'accrocha-t-elle de toutes ses forces à cet instant.
Le petit événement fut brisé par le maire qui annonça qu'Esteban devait venir le rejoindre, près de ce qui avait été arrangé pour l'exécuter, et congédia les enfants pour éviter qu'ils assistent à une scène qui les traumatiserait à coup sûr.
En quittant les lieux avec Alex et quelques autres jeunes, Kelly ne put s'empêcher de pleurer pendant que, encore et encore, une seule phrase se répétait en boucle dans sa tête : "Je ne reverrai plus jamais Esteban..."
Petit article un peu plus long aujourd'hui, mais je crois que ça en valait la peine. Et une idée m'a traversé l'esprit aujourd'hui! Pour servir de transition entre les histoires, je vous propose de me servir de VOS histoires! Non pas que Nouvelle Lune soit à terminer bientôt, pas du tout, je veux juste vous laisser le temps de composer et de m'envoyer vos créations! Je vous propose de composer, si le cœur vous en dit, des histoires sur un thème libre, avec un nombre de mots libres aussi (tant qu'il n'y en a pas proche de 10 000 ça va!), et je choisirai entre toutes les histoires qui me seront envoyées (même si je ne crois pas en recevoir une tonne) pour servir de transition entre chacune de mes histoires. À moins de contre-indication, j'inscrirai, bien sûr, le nom de l'auteur qui aura composé cela. Je vous invite donc à écrire votre nom à la fin de votre histoire. Alors si ce concept vous plait et que vous avez envie de passer sur mon blog (😉), envoyez-moi vos créations à poudrierm@hotmail.com, peu importe quand et j'en prendrai l'une pour servir de transition (oui, je me répète 😆) !!!
Et n'oubliez pas, restez positifs!
Encore une fois un très beau texte! Il est presque certain que je t'enverrais une de mes histoires, mais elles sont un peu longues...
RépondreSupprimerEn plus, je sais que je suis un peu en retard, mais j'aurais une idée à te proposer. Je connais un concours d'écriture qui s'appelle le Concours Plume. Il faut composer une histoire qui a environ 1500 mots ou un poème d'environ 150 mots que tu pourra envoyer avant le 26 février. Il faut que tu écrives sur le thème de "En attendant le beau temps". Je t'envoie le lien, amuses-toi!
https://www.victoriaville.ca/nouvelle/202011/3882/concours-litteraire-jeunesse-plume--jacinthe-lavoie-marraine-de-la-7e-edition.aspx
Bonne chance!
Laura
Merci de me présenter ça! C'est super gentil mais je connais déjà, je participes depuis peut-être déjà 3 ans et j'ai gagné l'année dernière! J'espère que tu participeras!!!
SupprimerJ'ai hâte de voir si un événement de dernière minute sauvera Esteban... Pour l'histoire à t'envoyer, ça ne fait pas partie de mes talents... alors je vais laisser ça à d'autres. 🥰
RépondreSupprimerParfait!!
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