Nouvelle Lune (partie 5)

Dès que Kelly avait su l’affreuse nouvelle, elle avait insisté pour voir de ses propres yeux l’étendue du drame, faveur que Mireille avait acceptée. Cependant, dans l’état dans lequel elle était, la fillette aurait pu lui demander la Lune qu’elle aurait accepté sans réfléchir. C’est ainsi qu’elle se retrouva, quelques minutes plus tard, à l’entrée de la maison de Fred. La majorité des personnes étaient encore là et discutaient à voix basse, tous en état visible de choc. Rien ne s’était jamais passé, ou presque, à Thiercelieux, c’est pourquoi une mort, prématurée par-dessus le marché, les rendait tous si perplexes et excités à la fois. Cependant, Kelly, loin de partager l’ambiance générale, était tout simplement abattue. Elle était si habituée à ce que tout soit tranquille, voire trop tranquille, qu’elle avait reçu la nouvelle comme un coup de poing dans le ventre. C’était tout de même la mort d’un de ses amis, qui était en parfaite santé et qui labourait énergiquement la terre la veille même. Comment donc avait-il pu quitter ce monde aussi subitement? 

Résolue, la fillette tenta de se faufiler entre les habitants du hameau pour voir le corps de Fred quand une main l’attrapa par le bras. C’était Christophe, le fils de la vieille Louise.

— Hé, fillette, qu’est-ce que tu fais? Crois-moi, tu ne veux pas le voir. Pas comme ça, affirma-t-il en secouant la tête. Ce n’est pas pour une enfant de ton âge, ça. Tu ne t’en remettrais pas.

Kelly était malgré tout certaine de vouloir voir de qui arrivait avec Fred, même si elle avait maintenant peur de ce qu’elle verrait. Était-ce réellement si terrible?

— Merci, Monsieur Christophe, mais je veux voir Fred une dernière fois.

Elle releva la tête pour lui signifier qu’il pouvait la lâcher, maintenant, mais il n’en fit rien.

— Non, je suis sérieux, n’y vas pas. Je ne peux vraiment pas te laisser y aller.

Christophe étant une vraie tête de mule, la petite ne pouvait espérer le faire flancher. Elle capitula donc, mais avec un plan en tête. Ce n’était pas le fils de la vieille Louise, qui se faisait un devoir de remettre les enfants à leur place en tout temps, qui allait l’empêcher de réaliser son désir. Elle fit semblant de s’éloigner en se dirigeant vers Mireille, qui restait muette devant un spectacle que sa grande taille oui permettait d’observer, mais bifurqua au dernier moment pour se rediriger vers la petite foule. Prête à revenir à la charge, elle s’y prit d’un angle où Christophe ne la verrait qu’au dernier moment et se faufila entre toutes ces grandes personnes qui la regardaient curieusement sans toutefois tenter de l’arrêter. 

Elle y était presque. Le vide laissé entre ce qui était sans nul doute le corps du jeune homme et le regroupement s’offrit à elle, et elle put tout constater de ses yeux. 

Horrifiée, elle posa ses mains sur son visage tout en étant incapable de détacher ses yeux de cette vision qui se grava au plus profond de son âme.

Fred avait littéralement été déchiqueté. Des lambeaux de chair s’étalaient autour de ce qui restait de lui et une coulée de sang était répandue de l’intérieur de la maison jusqu’au dehors. De grossières marques de crocs étaient incrustées partout sur la chair. Ses yeux étaient crevés et des creux vides les remplaçaient. À certains endroits, des organes avaient perdu l’abri que leur offrait les entrailles de la victime et étaient exposés au grand jour. L’ensemble était affreusement écœurant et terriblement représentatif de la scène qui s’était jouée plus tôt.

Mais quelle bête sauvage avait donc pu faire cela? Thiercelieux n’avait jamais été victime d’attaque d’animaux, car ils étaient tous plus ou moins peureux, et jamais un n’aurait été jusqu’à pénétrer dans une maison pour dévorer l’un de ses occupants! Le plus bizarre était que toute la maison était intacte : pas de fenêtre cassée, pas de porte défoncée. Tout ce qu’il arrivait ces derniers temps dans son tranquille petit hameau était vraiment très bizarre. Si elle avait su, la veille même, que c’était le dernier jour où elle avait la chance de voir Fred vivant, elle ne l’aurait pas cru.

Les larmes lui montaient aux yeux et, incapable de les retenir plus longtemps, elle s’enfuit en courant, percutant les autres sans réellement le réaliser, la vue brouillée et le cœur brisé. Un mort. Il y avait un mort, Fred de surcroît, dans son hameau, alors qu’il ne s’était jamais rien passé de seulement un peu intéressant, alors tout ça d’un seul coup, c’était trop. Sa grand-mère ne tenta même pas de l’empêcher de partir tant elle aussi était sous le choc. 

Les pas de la fillette la menèrent sans qu’elle ne le réalise vraiment chez Alex. Elle débarqua en trombe dans la maison et tomba sur Cynthia, qui était l’une des seules à ne pas encore savoir ce qu’il se passait à quelques rues de chez elle. 

— Kelly? Mais... qu’est-ce que...

Sans lui laisser finir sa phrase, la jeune fille enlaça sa taille et ses sanglots reprirent de plus belle. 
Alarmée, la mère d’Alex la serra contre elle en la laissant pleurer un moment. Doucement, après quelques minutes de silence, elle lui demanda:

— Qu’est-ce qu’il se passe, ma belle?

Bien que pleine de bonne volonté pour tout bien expliquer, ses paroles se perdirent dans ses pleurs.

— C’est Fred... Il est... Il est...

Elle fut incapable de terminer sa phrase. 

Une bonne minute d’attente fut nécessaire pour calmer sa crise de larmes.

— Qu’est-ce que Fred a?

Sa voix était empreinte d’une douceur infinie, exempte de tout jugement, encline à la conversation.

— Il est mort...

Sa voix s’étrangla sur le dernier mot, mais elle avait déjà tellement pleuré qu’elle doutait de pouvoir reproduire cette action d’ici une semaine entière. 

La tête dans le chandail de Cynthia, elle la sentit se raidir et aucune phrase réconfortante dont elle avait tant besoin ne sortit de sa bouche. 

— Tu en es sûre, Kelly?

Elle acquiesça à la fois avec tristesse et épouvante. Quelque chose en dedans d’elle refusait toujours de croire à la fatalité de la chose.

— Va voir chez lui, si tu veux. Mais c’est affreux.

La femme acquiesça doucement.

— Va voir Alex dans sa chambre, ma chouette. Je reviens bientôt.

En montant les escaliers, Kelly l’entendit appeler son mari. Sans y prêter attention, elle se précipita dans la chambre de son meilleur ami. Elle avait besoin de parler avec lui. Plus que jamais.


Hey! Re-bonjour! Ça a été dur d’attendre jusqu’à maintenant pour publier la partie 5 de Nouvelle Lune, sincèrement, surtout lorsqu’elle a été prête, je l’aurais bien publiée tout de suite. J’espère que vous êtes contents d’avoir la suite, parce que j’ai quand même bien travaillé mon « punch » de fin de la dernière fois. En plus, c’était le délai le plus long entre deux articles de toute l’histoire (courte) de mon blog. Je suis contente de vous partager la suite de Nouvelle Lune, en tout cas! J’espère que vous avez apprécié! En passant, désolée pour la petite scène sanglante, mais c’est tout de même une histoire de loup-garou, c’est inévitable, ça! Et, si quelqu’un se demande ce que c’est un hameau, vu que j’utilise ce mot souvent, c’est un regroupement d’habitations trop petit pour être considéré comme un village. Alors, sur cette petite définition, je vous dis à la semaine prochaine! 

Et n’oubliez pas, restez positifs!

Commentaires

  1. J'ai déjà hâte à la semaine prochaine! Le samedi soir est devenu mon moment préféré et mon plus excitant de la semaine!

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    1. Ho! Merci! 🥰 C’est trop gentil! Je suis contente que tu aimes ça!

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  2. C'est vraiment, vraiment bon, Mariane... et en plus, tu écris tellement bien. Ça se lit tout seul... 🌺

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