Nouvelle Lune (partie 3)

 Les gémissements avaient cessé environ une heure avant le lever de Nicolas, ce qui correspondait à près d’une demi-heure après le départ de Mireille pour le champ. Avant de partir, elle avait gentiment demandé à Kelly de rester, pour cette journée, à la maison, pour veiller sur son grand-père, car elle-même devait aller à tout prix au champ, l’hiver arrivait toujours à toute vitesse, elle ne pouvait pas se permettre de manquer une seule journée... Il n’avait pas fallu grand arguments pour convaincre la petite, déjà prête à donner son bien le plus précieux — mis à part, bien sûr, son porte-bonheur, cela, elle serait incapable de s’en défaire — à celui dont elle était la petite-fille, si cela pouvait lui permettre d’aller mieux... Mireille l’avait abreuvé de remerciements à son départ, lui avait légèrement ébouriffée les cheveux, puis était partie, laissant la jeune fille à la maison. Kelly cherchait de quoi s’occuper. Elle vaquait d’une occupation à une autre, mais s’en désintéressait très vite et cherchait autre chose. Cela était dû, entre autres, à son anxiété.

Lorsque Nicolas se leva, Kelly s’approcha de lui timidement, ne voulant pas le brusquer.

— Grand-père? Est-ce que tu as besoin de quelque chose? 

— Laisse-moi tranquille.

Son ton était brusque. Il n’avait jamais parlé de la sorte à sa protégée, aussi celle-ci sentit les larmes lui monter aux yeux. 

— Mais...

— Tais-toi! cria-t-il, soufflant comme une bête féroce, les yeux exorbités.

Sans pouvoir les retenir, Kelly laissa couler ses larmes et courut dans sa chambre. Elle s’affala sur son lit et pleura toutes les larmes de son corps. Qu’arrivait-il donc à son bien-aimé tuteur pour qu’il se laisse aller de la sorte? Il avait toujours été gentil, à la limite timide. Et jamais, au grand jamais il ne lui aurait parlé sur ce ton si tout n’allait pas bien. Non, la maladie qui l’affectait le mettait dans un tel état qu’il en déteignait sur sa pupille. C’était donc qu’il n’allait vraiment pas bien. Plus que jamais. 

Kelly se serait bien dit qu’il avait besoin de son soutien et qu’elle devait être là pour lui dans cette épreuve, ce qui arrivait à Nicolas était si soudain et inattendu qu’elle n’arrivait pas à se résoudre à aller le voir. Sa plaie était déjà assez profonde, elle avait besoin d’un peu de temps pour la bander, avant de pouvoir encaisser un autre coup de la sorte.

Dans la cuisine, elle entendait au travers de ses pleurs les pas de son grand-père marteler le sol. Il marchait d’un pas lourd et étrange. Tout d’un coup, Kelly se mit à réfléchir.

Une simple migraine pouvait-elle réellement causer un écart si énorme d’attitude? Non, bien sûr que non! Avoir besoin d’un peu de calme, peut-être, mais pas au point de lui crier dessus et d’être à la limite violent comparé à d’habitude! Quelque chose avait causé sa migraine. Et la nouvelle lune qui avait justement précédée cette anomalie... Elle les avait tous bien affectés, cette nouvelle lune. Comme c’était étrange... Et si d’autres personnes de Thiercelieux, ou même de plus loin, étaient aussi affectés de cette attitude étrange? Et si certains avaient autre chose, aussi terrible que le mal dont souffrait son grand-père? Mais... pourquoi? Il y en avait bien eu, des nouvelles lunes, et pourtant, aucune n’avait fait de tels effets sur son petit hameau! Qu’est-ce que celle-ci avait de spécial? 

Une certitude s’offrait maintenant à l’enfant : la nouvelle lune était la cause autant de l’insomnie de tous les habitants de Thiercelieux que du comportement insolite de Nicolas. Il restait juste à savoir pourquoi... Mais elle n’en avait pas la moindre idée pour l’instant. Ha, si seulement elle pouvait voir Alex! À deux, ils seraient bien plus en position de trouver une explication à tout cela... mais elle ne pouvait tout de même pas se permettre de laisser son tuteur seul, avec ses vagues de colère incontrôlable... Comme elle avait hâte à demain. Elle était certaine que tout serait réglé dès ce jour maudit passé. 

— Kelly! hurla-t-il justement. 

Au moins, il se souvenait toujours de son nom...

— J’attends toujours mon café!

Il était déjà prêt, mais était certainement froid, depuis le temps qu’il attendait sur le comptoir. Il faudrait qu’elle le fasse réchauffer, mais cela prendrait un moment. Et elle ne voulait certainement pas rester avec lui en attendant que ça chauffe sur le poêle! Cependant, elle doutait d’avoir le choix. Nicolas n’agissait pas comme d’habitude et était pour le moins imprévisible. Elle se leva donc, les yeux rouges, pour refaire chauffer le café de son grand-père. 

Kelly avait coutume de faire le café de ses aînés, c’était une habitude qu’elle avait prise très tôt. Mais jamais ils n’avaient pris cela pour acquis, comme le faisait celui avec qui elle partageait la maison en cet instant. Comme elle était troublée par cela...

La journée passa en calvaire. La mauvaise attitude de Nicolas perdura tout le long que la fillette resta avec lui, jusqu’à ce que Mireille rentre du champ. Aussitôt, son attitude passa du tout au tout, et il redevint exactement comme avant. La fillette se mit alors à douter. Avait-elle fait quelque chose de mal hier soir? Pas qu’elle se souvienne... Et même à cela, rien n’aurait prôné une telle attitude! Mais, tout de même... il semblait si... normal avec son épouse. Alors qu’avec elle... Il lui avait crié dessus toute la journée, une première pour lui! Et du moment que Mireille était revenue, tout était rentré dans l’ordre. Et ce n’était pas comme si c’était la première fois qu’elle restait seule avec son aïeul! 

Plus Kelly se creusait la tête pour trouver une réponse, plus les questions venaient s’ajouter à celles qu’elle avait déjà. 

L’esprit torturé, le cœur en peine, la petite alla se coucher, en refusant jusqu’à la présence de sa grand-mère dans sa chambre venue pour la border. 

Alors que le soleil disparaissait à l’horizon et que la noirceur prenait de l’ampleur, une âme en peine sanglotait dans son lit, priant d’être arrachée à sa souffrance. 

Bon, ce n’est pas l’article le plus joyeux que j’ai fait jusqu’à présent, mais il en faut certains comme ça. Et il fallait ça à la bonne continuité de mon histoire. Alors! Cela va être mon dernier article publié spontanément. Pour les autres, je vais m’en tenir à un par semaine, et je crois que ça sera le samedi entre 17 et 19h. Est-ce que cela vous convient? J’espère que cela vous aidera à suivre le courant de mon histoire, pour ceux qui ne me suivent pas et qui doivent venir à l’improviste pour voir s’il y a du nouveau... Vous m’en donnerez des nouvelles, en tout cas. J’espère en avoir vite de si ça vous convient!

Et n’oubliez pas, restez positifs!